Les Boîtes en carton, ou le coming-out de Tom Lanoye

Vous ne connaissez pas Tom Lanoye ? Moi non plus. Mais j’ai comblé ma lacune. Il faut dire que les auteurs belges, néerlandophones surtout, ont tendance à passer à travers les mailles du filet. Pourtant celui-ci est une star. 100 000 exemplaires vendus en Belgique. Dixit le bandeau de couverture. Ce qui aurait plutôt tendance à me faire tourner les talons. Ce côté troupeau. Achetez donc puisque tant d’autres l’ont déjà fait. Je n’aime pas cette façade racoleuse. Surtout qu’étant donné le contexte l’éditeur pouvait jouer sur la corde sur mariage pour tous. Mais le problème n’est pas là, d’autant que l’on aurait bien tort de se priver de cette lecture…

 

Une manière de se rattraper car cela fait bien une vingtaine d’années que Tom Lanoye défraie la chronique littéraire de Flandre. Et des Pays-Bas. Depuis 1985 il assène ses quatre vérités sous forme de nouvelles, romans, essais, recueils de poésie et pièces de théâtre. D’ailleurs, le Festival d’Avignon présenta en 2007 et 2008 Méphisto for ever et Atropa, la vengeance de la paix qui firent sensation. Lesquelles furent ensuite montées au Théâtre de la ville, à Paris…

 

Digne successeur d’Hugo Claus dont Le Chagrin des Belges est dans toutes les mémoires, Tom Lanoye possède un style singulier. Incises en contrepoint, interpellation du lecteur, digressions forment une sarabande d’où perce une ironie cinglante. Profondément engagé dans la vie sociale de son pays, il se dresse ouvertement contre le parti d’extrême droite, car, dit-il, « le nationalisme est une folie presque religieuse ».

 

Ayant été l’un des premiers belges à revendiquer son homosexualité, il fut aussi l’un des tout premiers à se pacser. Comme pour fermer le banc, voici donc la genèse de son premier amour masculin. Une histoire entre gamins. Pas plus de douze ans mais déjà des idées précises. Un voyage scolaire organisé par Les Mutualités Chrétiennes. Camp de vacances si bien encadré que l’imagination se débride. La grâce d’un corps illumine le jeune Tom. Et cette manière si simple de dire les choses semble aujourd’hui couler de source. Or, remise dans son contexte des années 1960, le récit s’habille alors de soufre. L’époque et la société très catholique ne souffraient pas de telles envolées…

 

Entre la caricature et l’étude sociétale, ce roman champagne pétille de mille petites piques qui iront chatouiller les fesses des coincés et raviront les zygomatiques des autres. Littérature et mauvaises mœurs peuvent donc fournir matière à un très bon roman. Pour une première rencontre avec monsieur Lanoye, ce fut idéal…


Annabelle Hautecontre


Tom Lanoye, Les Boîtes en carton, traduit du néerlandais (Flandre) par Alain van Crugten, Editions de la Différence, janvier 2013, coll. "Littérature étrangère", 160 p. - 15,00 €

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L'auteur sera en dédicace ce mercredi 9 janvier à la librairie L'Echappée, à Paris, dans le 6e ; à partir de 19h00... on vous y voit ?