L'Enfer d'Hugo Lacroix : démystifier le mythe ?

Hugo Lacroix tente le pari de démystifier l’Enfer, plutôt les enfers dont Dante a su, parfois, tirer l’incandescente moelle en plaçant astucieusement Virgile comme garde fou, ou ami de confiance qui lui dessille les yeux à chaque cercle. À croire que Dante se connaît et ne présume en rien de ses forces. « Que peut te faire ce qu’on murmure ici ? le questionne Virgile. Viens derrière moi, et laisse dire les gens. Sois comme une tour, à la cime assurée, que n’ébranle jamais le souffle des vents ; car l’homme en qui germe une pensée sur une autre pensée, s’éloigne de son but, parce que la fougue de l’une amollit l’autre. Chant V du Purgatoire, mais n’est-ce pas lui le véritable enfer ? Cet entre-deux dont rien de bon ne peut jamais sortir ? Se repentir pour un hypothétique salut ou s’assumer pour une éternelle damnation ? Qui peut encore croire à de telles sottises ?!

 

Marc Aurèle l’avait d’ailleurs très bien exprimé en son temps, preuve que l’on a perdu deux mille ans à se tourner les pouces de la conscience : « Ne croyez pas tout ce qu’on vous raconte. Soyez adulte. » En gros, soyons stoïque et advienne que pourra, soyons matérialiste car le présent c’est ici et maintenant ; au diable les enfers !

 

Demeure le sujet : et là, tous les artistes vont s’en donner à cœur joie, autant dire que le travail que Lacroix a entrepris est titanesque. De Rimbaud à Homère, de Giotto à Rodin, de Jérôme Bosch à Georg Grosz, de Joyce à Platon, de Sollers à Quignard, de l’islam au rock’n’roll (mais oui !), les déclinaisons sont légions et ordonner tout ce joyeux bazar donne lieu à un drôle de livre qui se lit comme un roman…

 

Peintures, sculptures, littératures, les éléments s’associent aux lieux et aux personnages, foisonnement de mauvaises intentions ou tentatives d’explications pour candides en goguette ; tout est bon pour faire (se) peur, ramener les oies blanches au bercail et contrôler l’esprit vagabond de l’Homme en mal d’affranchissement.

 

Tant de beautés rassemblées autour de ce thème de l’Enfer démontreraient-elles que le sujet est bien trop énorme pour être honnête ? Toutes ces œuvres sublimes évoquant ce qui serait censé être le pire du pire donnent plutôt envie d’aller y voir de plus près. Cela tombe bien, l’Enfer n’existe pas ! Sauf dans les imaginations débridées d’artistes de génie. Ici rassemblées leurs plus belles réalisations. De magnifiques reproductions font de cet étonnant ouvrage un très beau livre, qui ne vous donnera pas le moindre cauchemar. Bien au contraire.


François Xavier

 

Hugo Lacroix, L’Enfer, album aux nombreuses illustrations couleur 210 x 240, La Différence, coll. "Mythologie des lieux", novembre 2013, 192 p. – 45,00 €

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