Les printemps arabes d’Adonis
Nonobstant, la maison brûle dans l’Orient arabe, et cela interpelle sa conscience, noue son estomac : Adonis voit les berges de la Méditerranée s’embraser les unes après les autres et les successions d’événements font que l’horreur devient une marchandise comme une autre que l’on vend avec cynisme à la grand-messe du journal du soir, comme si, finalement, tout cela n’était que quantité négligeable. On ne tue que des arabes !
Hé oui… Insidieusement, sournoisement, la religion
(puisqu’il n’est plus question de race désormais) est venue s’imposer, l’air de
rien. Tous ces malheureux sont des musulmans donc à quoi bon s’en faire ?
Laissons-les s’entre-tuer, moins il y en aura mieux cela sera. Les révolutions
arabes ont donné lieu à des séances de désinformation criantes, des réécritures
de l’Histoire, des interventions médiatisées d’hommes publics tous inféodés à
la seule démocratie du Proche-Orient,
ce qui a déformé, aussi bien la légitimité que la réalité.
Mais qui s’en
soucie ?
Afin de rétablir la balance et d’exposer des faits rien que des faits (et quelque vérité bien senties !), la lecture de ces articles et autres chroniques parues dans les principaux journaux est indispensable si vous vous intéressez un tant soit peu au monde dans lequel vous vivez, et que, comme moi, vous en avez plus qu’assez d’entendre des inepties à longueur de temps…
"Altérité,
civilité, différence, devenir féminin, séparation du civil et du religieux… Ce
ne sont pas des mots d’ordre, mais les termes d’une médiation au cours desquels
peut s’ouvrir le livre d’Adonis", nous précise Philippe Sergeant dans
sa préface. Et à quelques jours de l’exécution par pendaison d’un poète,
en Iran, sous le seul prétexte qu’il prônait un islam authentique, donc aux
antipodes des intégrismes actuels, rappelle l’urgence.
Oui, il y a urgence à
comprendre que l’Occident est complice de la dérive des extrémismes religieux,
et notamment islamiques, croyant encore qu’il parviendra à le manipuler. C’est
d’autant plus absurde quand on voit comment les Talibans se sont émancipés, ou
le Hamas, ou Ben Laden, et tant d’autres, aidés, armés, lancés à l’assaut d’une
citadelle convoitée sans penser une seconde aux lendemains…
Et pour les derniers candides, une information de première main : non, la démocratie – pensée une fois dans la Grèce antique – ne s’est jamais appliquée dans aucun pays occidental (ou à peu près) pendant plus de deux mille ans. Le temporel n’a jamais été séparé du spirituel. La démocratie est un régime politique qui ne convient ni à l’Occident ni à l’Orient. Alors, que faire pour s’en sortir ? Adonis préconise la nécessité de la séparation des pouvoirs ou des fonctions, de la nature humaine. Un postulat qui se base sur le principe déduit de la nature humaine composée par l’entendement et l’imagination. Si nous voulons réussir à vivre ensemble dans une société régie par les règles de l’entendement, il est OBLIGATOIRE de laisser à chacun le soin d’imaginer sa vie privée. Et de la laisser dans le domaine privée…
La démocratie n’est en rien un modèle, c’est plutôt une épreuve : il est donc dérisoire de vouloir l’étendre de force, qui plus est, dans des pays aux cultures si marquées par une histoire si différente de la notre…
Comme l’écrit Adonis, pour que la révolution syrienne réussisse, il faut qu’elle s’attaque ouvertement aux dogmes qui encrassent les cerveaux, aliènent les femmes et les hommes. Il exige des révolutionnaires qu’ils soient areligieux et qu’ils renversent les dictatures au nom du principe de la différence, de la joie de ne pas être formatés.
Vœu pieu que seul un poète peut exiger. Alors soyons tous
des poètes dans les urnes… Reste encore à trouver un homme politique sur qui
porter son vote.
Vaste affaire…
François Xavier
Adonis, Printemps arabes – Religion et révolution, traduite de l’arabe par Ali Ibrahim, préface de Philippe Sergeant, La Différence, coll. "Politique", janvier 2014, 160 p. – 16,00 €
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