Les luttes des putes : Thierry Schaffauser refuse l’étiquette de victime !

L’hypocrisie qui entoure ce dossier depuis des décennies méritait bien une relecture (et ce n’est pas l’actuel procès du Carlton de Lille qui nous prouvera le contraire !), une manière de regarder par le petit bout de la lorgnette, car Jacques Martin n’était pas qu’un clown, et tout problème – comme le fameux bout de bois de Raymond Devos – possède deux côtés, deux bouts, et force est de constater que l’on aborde le dossier prostitution toujours sous le même angle, si j’ose dire. Éric Hazan, en éditeur iconoclaste, donne donc la parole au travailleur du sexe qui, finalement, est le mieux placé pour en parler…

 

Puisque le droit pénal admet la notion de crime passionnel, ce qui, du point de vue purement technique, est tout de même un peu fort de café puisque sous prétexte que l’on serait fou amoureux d’une personne on serait condamné moins lourdement après l’avoir tué que si l’on tue le premier venu, alors pourquoi ne pas admettre que la pulsion sexuelle soit incontournable de notre quotidien ? Étant donné que le législateur refuse d’admettre la pleine et entière reconnaissance des droits des victimes de viol en prononçant des peines si courtes que les récidives sont légions, pourquoi alors se cacher derrière son petit doigt dès que l’on évoque les putes ? Ah oui, l’image, j’oubliais la notion d’image, ou avais-je la tête ? Cela rappelle un peu la mouche dans le bol de lait, le centre-ville doit être ripoliné pour mieux accueillir les touristes et offrir aux bobos un cadre de vie idéal. Exit donc tous ces braves gens des zones protégées pour mieux les parquer dans les périphéries, les bois, les abords de nationales… Car soyons francs : les politiciens ne cherchent qu’à s’en prendre à ce qui se voit, la prostitution dans la rue ! Rien n’est entrepris contre ce qui se trame sur le net, dans les clubs, etc. Encore une fois, seule l’image est au centre du problème.

 

Mais Thierry Schaffauser le rappelle : « dans la grande majorité les travailleurs du sexe sont adultes et ils rejettent ce concept de victimes désespérées, impuissantes et passives, et refusent le statut d’inadaptés sociales institué par la loi comme celui de personne sexuellement irresponsable qu’implique le projet de pénalisation des clients. » Il faut aborder autrement la problématique de la prostitution : quelle que soit la manière dont elle est vécue, il convient de la revendiquer comme un travail : il n’y a plus ni coupable ni victime. Les solutions à apporter doivent être trouvées par les travailleurs eux-mêmes. Ils ne demandent aucune protection mais des alliés pour mener à terme leurs luttes.

 

Pour ces dames, il convient de faire un parallèle avec le concept de départ du MLF : nous qui n’avons pas d’histoire ; car, officiellement, les putes n’ont pas d’Histoire. Elles ne seraient que des victimes, or quid de celles et ceux qui assument leur destin ? Le premier mouvement des travailleurs du sexe est né en 1975, à Lyon, et depuis leurs revendications tombent à plat, quelque soit le gouvernement en place… Est-ce qu’une action syndicale serait plus efficace ? Le STRASS a vu le jour et la lutte continue dans l’indifférence générale, mais une chose est certaine : on ne mettra pas à mal l’industrie du sexe, on ne décrètera pas l’abolition de la prostitution. La prohibition ne mettra jamais fin à l’exploitation, elle réussira seulement à la cacher et donc à la perpétrer.

Si le pouvoir politique veut se charger honnêtement du sujet, il doit impérativement lire ce livre de tout urgence !

 

François Xavier

 

Thierry Schaffauser, Les luttes des putes, La fabrique éditions, octobre 2014, 230 p. – 12,00 €

2 commentaires

A lire également le magnifique roman "Le noir est une couleur" de Grisélidis Réal "la prostituée révolutionnaire" pour qui "la prostitution est un humanisme".

je n'ai pas lu ce livre, je ne peux donc rien en dire, mais à la suite de votre chronique, j'ai pensé que vous aviez raison sur l'hypocrisie ou sur la mauvaise foi ou encore les paradoxes qui animent la bonne société et ses censeurs. Pourtant j'ai aussi pensé 'prudence prudence' juger, prendre parti sur la prostitution est toujours casse-gueule, il faut bien connaître le milieu, les filles, les écouter, et garder à l'esprit que les prostituées ont toutes une histoire différente et si certaines choisissent  librement cette vie  (d'anciennes prostituées réfutent ce  soi-disant libre choix, par ex Rozen, l'ex prostituée) d'autres la subissent pour pouvoir survivre ou  ne pas se faire tabasser.  Quant aux clients, ils trouveront toujours des femmes qui négocieront leurs corps, ceci dit, combien d'hommes et de femmes vendent-ils leur âme au boulot... parfois dans la violence et le harcèlement moral ça se discute non ? l'âme serait-elle moins sacrée que le corps ?

 Et le plus maquereau de tous  les maquereaux  est l'état puisqu'il perçoit des impôts sur la prostitution depuis belle lurette. Ca ne gêne pas l'état ce fric qui provient du travail des sexes.
Vous pouvez retrouver une voix concernée qui s'exprime ici : la putain et le sociologue