Annick Geille est écrivain, critique littéraire et journaliste. Elle rédige une rubrique mensuelle pour le journal Service Littéraire et dirige la Sélection en ligne du Salon littéraire. Elle vient de publier son onzième roman, Rien que la mer, aux éditions La Grande Ourse.

Cinq livres indispensables ce printemps 2013

Hervé Guibert ne disparaitra jamais, deux ouvrages le prouvent encore, Julia Kristeva contemple son itinéraire à la lumière du temps proustien, Angela Huth incarne la fiction anglaise délicieusement sentimentale, mais pas mièvre pour autant, Sébastien Lapaque publie la suite de son journal d’écrivain subtilement contre les vulgarités de ce temps…




Hervé Guibert, Eugène Savittzkaya, Lettres à Eugène

 

Première phrase > Paris, le 21 avril (1977)

J’ai aimé votre livre, alors je vous envoie le mien.

 

Dernière phrase > Paris le 28 janvier 1987

Je t’embrasse bien fort, merci pour ta lettre.

Hervé

 

Quatrième de couverture > En 1977, Hervé Guibert découvre le premier roman d'Eugène Savitzkaya, Mentir, et lui envoie La mort propagande qui vient de paraître. Ils échangent leurs livres pendant les années suivantes, se lisent, s'apprécient. Ils se voient rarement : l'un habite Liège, l'autre Paris. Un tournant s'opère en 1982, quand Hervé publie « Lettre à un frère d'écriture », où il déclare à Eugène : « Je t'aime à travers ce que tu écris. » Le ton a changé, Hervé, obsédé par son correspondant, lui écrit des lettres de plus en plus incandescentes. L'année 1984 verra néanmoins l'épuisement soudain de cette passion. Une profonde amitié la remplace, qui trouvera dans l'aventure de L'Autre Journal et dans la Villa Médicis, où ils seront tous deux pensionnaires, d'autres terrains d'exploration.

Ces près de quatre-vingts lettres, échangées entre 1977 et 1987, forment un témoignage d'autant plus unique qu'elles sont les seules dont Hervé Guibert ait autorisé l'édition. Point de rencontre unique entre la vie et l'écriture, entre soi et l'autre, entre réalité et fiction,

leur divulgation renouvelle la lecture de l'œuvre d'Hervé Guibert.

 

Hervé Guibert, Eugène Savittzkaya, Lettres à Eugène, Correspondance 1977-1987, Gallimard, avril 2013, 144 pages, 15,90 €

 

Hervé Guibert, Vice

 

Première phrase > Le peigne

Le peigne est une pièce d’ivoire ou d’écaille, de corne, originellement plus grossièrement constituée de pics plantés un manche de bois, qui sert à lisser la chevelure, à la répartir en masses distinctes de chaque côté d’une raie qui visible l’attache des cheveux, le cuir plus blanc du crâne.

 

Deuxième phrase > Le palais des monstres désirables

On disait que le calvaire de cet homme était immense, mais il n’avait lui même jamais vu d’autre être humain, la nourriture lui parvenait par une trappe percée dans le plafond, il croyait que la main qui maniait cette trappe et qu’il apercevait parfois était celle de Dieu…

 

Quatrième de couverture > « Il marchait dans la rue. Il voulut tout à coup être transplanté dans un bain de vice (décors et actes). Il était prêt à payer pour pénétrer dans une ambiance vicieuse, mais le cinéma porno lui semblait indigent…»

Ce livre, imaginé et écrit entre la fin des années 1970 et le début des années 1980, a été publié juste avant la disparition de l’auteur. Il est réédité ici avec les vingt et une photographies qui accompagnaient la version originale.

 

Hervé Guibert (1955-1991), écrivain, journaliste et photographe est l’auteur de nombreux livres, parmi lesquels Mes parents, A l’ami qui ne m’a pas sauvé la vie, et d’un journal posthume, Le mausolée des amants.

© Photo : Jacques Robert

 

Hervé Guibert, Vice, photographies de l’auteur, Gallimard, L’arbalète, avril 2013, 136 pages, 16,90 €




Angela Huth, Quand rentrent les marins

 

Première phrase > Les femmes de marins ont  coutume dans la journée de jeter de multiples coups d’œil vers l’horizon.

 

Dernière phrase > Alors, de longues minutes, Martin et elle demeurèrent assis sur le banc à la mémoire d’Archie, à se regarder avec stupeur et émerveillement.

 

Quatrième de couverture > Myrtle est aussi réservée, sage et modeste qu'Annie est pétulante, séductrice et vaniteuse. Élevées dans un petit port perdu au fin fond de l'Écosse, elles ont appris ensemble à devenir des femmes. Des femmes de marins pêcheurs, dont le lot quotidien est lié à chaque caprice de l'océan, au retour de leur homme, aux rumeurs qui enflamment tout le village dès qu'un étranger en frôle le pavé... Patiemment, Myrtle s'emploie à calmer les tocades passagères de son amie et à pallier sa négligence à l'égard de Janice, l'unique fille d'Annie. Jusqu'au jour où survient le pire, et où le drame emporte avec lui tous les remparts contre les déchaînements des passions. Contre ces non-dits qui éclatent avec d'autant plus de force qu'ils ont été si savamment et si lontemps protégés.

Experte dans l'art de raconter les femmes et les innombrables incarnations de l'amour, Angela Hurt, l'auteur du best-seller Les Filles de Hallows Farm, nous plonge au cœur d'une Écosse hostile et passionnée, à l'image de son peuple, tour à tour pudique, romantique et désespéré. À la façon d'une Jane Austen, à qui elle a souvent été comparée, elle donne vie à des personnages déchirés entre l'orgueil, les préjugés, la raison et, surtout les sentiments.

 

Angela Huth, Quand rentrent les marins, traduit de l’anglais par Anouk Neuhoff, Quai Voltaire, avril 2013, 384 pages, 22 €




Julia Kristeva, Pulsions du temps

 

Première phrase > Aujourd’hui, 24 mai, c’est la fête de l’écriture à Sofia. Ma première fête de l’Alphabet. J’ai six, sept ans peut- être ?

 

Dernière phrase > « Je me voyage » dans mes essais et dans mes « plus que romans » qui ne sont que des éclosions de questions.

 

Quatrième de couverture > « Où est le temps, existe-t-il encore ? Je vous propose d’ouvrir la question du TEMPS.

Jamais le temps n’a été aussi compact, uniformisé, fermé comme il l’est désormais à la surface globalisée de l’hyperconnexion. Mais jamais non plus il n’a été aussi ouvert et multiple : incessant battement d’avènements, amorces, émergences, éclosions perpétuelles.

Je retrouve ici des expériences singulières : dans l’érotisme maternel et dans celui de la foi religieuse, j’ose parier sur la culture européenne et sur l’humanisme à refonder, je découvre un destin de la psychanalyse en terre d’Islam et en Chine. 

 

Née en Bulgarie, Julia Kristeva est écrivain, psychanalyste, membre de l'Institut universitaire de France et enseignante à l’Université Paris Diderot-Paris 7 ; elle y dirige l’École doctorale « langue, littérature, image » et le Centre Roland Barthes. Elle est docteur honoris causa de nombreuses universités et membre titulaire de la Société psychanalytique de Paris. Elle siège au Conseil économique et social et est présidente d’honneur du Conseil national « Handicap : sensibiliser, informer, former. » En 2004, Julia Kristeva a reçu, en Norvège, le prix Holberg ; en 2006, à Brême, elle se voit décerner le prix Hannah Arendt pour la pensée politique.

© Photo : John Foley, Opale, Éditions Fayard

Julia Kristeva, Pulsions du temps, Fayard, mars 2013, 780 pages, 28 €




Sébastien Lapaque, Autrement et encore : contre-journal

 

Première phrase > Aux premières heures de l’année 2010, j’ai Underworld de James Ellroy sur ma table de nuit.

 

Dernière phrase > Hélas ! nous sommes ainsi quelques uns à devoir nous consoler de perdre toutes les guerres en nous souvenant que nous avions les plus belles chansons.

 

Quatrième de couverture > Chronique littéraire et politique des années 2010 à 2012, Autrement et encore est un viatique contre les attaques de la médiocrité ambiante et les laideurs collatérales du capitalisme triomphant. Littéralement empoisonné par la vulgarité contemporaine, mais nourri et protégé par la fréquentation roborative d’une bibliothèque ouverte à deux battants, où circulent en liberté idées, mémoires des actes, poésie et souvenirs de voyages, Sébastien Lapaque regarde le monde dans un parfait dosage de distance et d’intimité. Sa manière de contre-journal est énergisante, addictive et provocatrice. Il n’est pas tout à fait impossible qu’on en revienne meilleur : il nous aura prêté sa vision des choses pour mieux les affronter.

Il a la flamme de la révolte, une impitoyable lucidité, une profondeur d’écoute mais aussi un désir de croire en l’homme : une vieille et indécrottable tendresse pour l’humanité – ce flamboyant anarchiste catholique n’a pas l’impudence de s’en cacher –, qui fait de ces pages un inégalable cordial, au sens où Victor Hugo parlait de l’enthousiasme.

 

Sébastien Lapaque est romancier et essayiste. Autrement et encore est le deuxième volume d’un journal d’écrivain ouvert avec Au hasard et souvent (Actes Sud, 2010). Son dernier roman, La Convergence des alizés, a paru chez Actes Sud en

2012

© Photo : Marc Melki

 

Sébastien Lapaque, Autrement et encore : contre-journal, Actes Sud, mars 2013, 320 pages, 22,80 €


Livres choisis par Annick Geille

 

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