Annick Geille est écrivain, critique littéraire et journaliste. Elle rédige une rubrique mensuelle pour le journal Service Littéraire et dirige la Sélection en ligne du Salon littéraire. Elle vient de publier son onzième roman, Rien que la mer, aux éditions La Grande Ourse.

Gérard Mordillat. Extrait de : Le Miroir volé


EXTRAIT >

 

LE MIRACLE DU DESSIN

 

Mais où retrouver à présent la trace

presque effacée de l’ancien crime ?

Sophocle

 

Personne n’entre dans une prison sans éprouver un douloureux sentiment d’angoisse, un serrement de cœur et la sensation de descendre vif au tombeau ; sans entendre résonner les premiers vers de l’Épitaphe de François Villon :

 

Frères humains qui après nous vivez

N’ayez les cœurs contre nous endurcis

Car, si pitié de nous pauvres avez

Dieu en aura plus tôt de vous merci.

 

À Lyon, la prison Saint-Paul est à deux pas de la gare de Perrache. Elle en est même si près que les détenus pouvaient entendre le bruit des trains qui manœuvraient à  la  nuit  tombée, entendre les cris de ceux qui venaient sous les hauts murs clamer leur amour, leur colère, leur désespoir. Cette prison est l’œuvre de Louis-Pierre Baltard (le père de Victor Baltard, architecte des halles de Paris). Louis-Pierre Baltard s’est fait une spécialité des constructions carcérales. C’est un récidiviste à qui l’on doit la chapelle de la prison Sainte-Pélagie, celle de la prison Saint-Lazare et son infirmerie à Paris, les prisons de Lyon et, dans cette ville, le palais de justice, surnommé « les 24 colonnes ».

Que ce soit Paul, Pélagie ou Lazare, il y a une ironie macabre à donner à une prison le nom d’un saint ou d’une sainte.

Que veut-on indiquer par ce choix ?

Que l’image de Jésus arrêté, flagellé, pendu à la croix par les soldats romains est si prégnante dans notre culture que tout supplicié marchant à l’échafaud apparaît comme l’ecce homo et qu’il faut voir en tout homme – ou en toute femme – emprisonné une figure christique telle que l’iconographie chrétienne en a produit des milliers ? Que l’incarcération est une mort et la libération une résurrection ? Ou plus cruellement que le christianisme, qui se veut religion d’amour, se révèle entre ces murs dans la terrible injonction de Jésus à la fin de la parabole des mines : « Quant à mes ennemis qui n’ont pas voulu que je règne sur eux, amenez-les ici et égorgez-les en ma présence » (Luc, XIX, 27) ?

Beaucoup sont morts à Saint-Paul, fusillés, guillotinés, suicidés ; beaucoup ont laissé leur trace sur ses murs sinistres, lépreux, puants et portent en eux l’empreinte de la prison sans jamais pouvoir s’en défaire, même une fois élargis. Ernest Pignon-Ernest les convoque dans de grands dessins installés dans les coursives, dans les couloirs, dans les cours de promenade cernées de barbelés. Ses œuvres ne collent pas à la pierre. Comme l’a dit un visiteur : elles appartiennent à la pierre elle-même, les murs « suintent les dessins ».

 

Les figures d’Ernest Pignon-Ernest ne sont pas celles de spectres, de démons incorporels qui hanteraient ces lieux et qu’une sorcellerie artistique ferait apparaître. Ils demeurent réels.  Ce sont nos frères humains, des résistants, des combattants, des insurgés, des hommes et des femmes qui ont vécu, qui ont lutté et qui sont morts. Dans le vocabulaire religieux, les apparitions du Christ ressuscité sont des « christophanies ». Ici peut-être devrait-on parler de « crimophanies », de révélation des crimes dont ont été victimes les prisonniers de Saint-Paul et qu’Ernest Pignon-Ernest rappelle à la vie, à la mémoire, à la conscience contemporaine.

Son dessin d’un grand drapé accroché aux barbelés, c’est l’anti-suaire de Turin. Contrairement au saint torchon il ne révèle pas l’image d’un mort : il la couvre. Comme S.M. Eisenstein (1) couvrait d’une bâche les marins du Potemkine  qui allaient être fusillés pour mieux révéler l’horreur de cet acte, Ernest Pignon-Ernest drape le corps invisible d’un suicidé – Saint-Paul était une prison où l’on se suicidait beaucoup ! D’un coup de crayon ou d’un coup de fusain il nous invite à l’arracher d’urgence ; à faire voler ce voile menteur de l’histoire de France en majuscules ; à mettre en lumière ce que la société tout entière refoule, renie, repeint aux couleurs chatoyantes de l’hagiographie qui seule semble acceptable aux Français. Dès lors, trait par trait, image par image, Ernest Pignon-Ernest brise la vaisselle trop propre du roman national à tous et à toutes. Il redessine l’histoire clandestine, l’histoire véritable, l’histoire populaire des années 1880 aux heures les plus sombres de la guerre d’Algérie.

Il la retrace si l’on veut.

Dessiner devient un geste politique.

Les corps prisonniers reprennent possession d’un espace – l’espace mémoriel, l’espace carcéral – et réintègrent une identité que le temps s’emploie à enfouir dans la fosse commune de l’oubli. Mais entre tous, quelle est notre place, la place du spectateur ? Ou, plus exactement, quelle place nous attribuons-nous dans cette prison ? Celle du prisonnier ou celle du gardien ? Chaque visage qui nous fait face pose implicitement cette question à laquelle nul ne peut s’exempter d’y répondre. Qui peut être sûr qu’il aurait été sur la rive fréquentable de l’histoire ? Du côté des justes ? De ceux qui de tout temps ont su dire non ?

Ahmed Cherchari, combattant pour l’indépendance de l’Algérie, guillotiné avec son compagnon d’armes Mouloud Ait Rabah le 23 février 1960 dans la prison de Montluc.

André Sollorente, arrêté par la police française, condamné par la cour martiale et fusillé dans l’heure le 2 février 1944.

Auguste Collomb, arrêté par la police française, fusillé le 21 avril 1944.

Berthie (ou Berthy) Albrecht, résistante arrêtée à Lyon, évadée, arrêtée de nouveau le 31 mai 1943, incarcérée à la prison de Fresnes où elle sera pendue.

Caserio, anarchiste italien, condamné à mort et guillotiné en 1894 pour avoir assassiné le président Sadi  Carnot.

Émile Bertrand, à 23 ans il dirigeait les groupes de combat Franc-Tireur et Partisans français de la région lyonnaise. Arrêté le 6 octobre 1943 par la police française avec sa mère, sa sœur et son ami Pierre Blanc. Torturé, condamné à mort par la section spéciale de Lyon, il est guillotiné dans la cour de la prison Saint-Paul le 3 novembre 1943. Jean Moulin, préfet et résistant, arrêté à Caluire, torturé au siège de la Gestapo, il meurt le 8 juillet

1943.

Kropotkine, né en 1842 à Moscou, mort en 1921, théoricien anarchiste, incarcéré à la prison Saint-Paul dans les années 1880 pour son soutien aux grèves des soieries lyonnaises.

Marc Bloch, historien, fondateur des Annales d’histoire économique et sociale, chef pour la région lyonnaise de Franc-Tireur, il est arrêté à Lyon le 8  mars  1944 par la Gestapo, torturé, il meurt fusillé.

Max Barel, commandant FTP arrêté à Lyon-Perrache le 6 juillet 1944 par la Gestapo. Torturé par les Allemands commandés par Klaus Barbie, il meurt ébouillanté le 11 juillet 1944.

Raymond Aubrac, animateur du Mouvement Résistance Libération Sud, unificateur de la Résistance aux côtés de Jean Moulin, il parvient à s’échapper le 21 octobre 1943 de la prison Montluc et rejoint Londres avec sa femme, Lucie Aubrac.

Robert  Namiand  (1913-1991), engagé dans le mouvement de résistance Combat, dirigé par Henry Frenay, il participe à Lyon à l’évasion de la résistante Bertie Albrecht. Le 28 décembre 1942, au cours d’une action contre un inspecteur de la brigade politique de Vichy, il est arrêté, victime d’une trahison, et incarcéré à la prison Saint-Paul. Torturé, jugé par la section spéciale du tribunal d’État, il est condamné à quatre ans de détention. En juin 1944, après une tentative d’évasion qui échoue, il est déporté au camp de Dachau-Allach. Il y restera interné un an et sera rapatrié fin mai 1945, quelques semaines après la libération du camp par l’armée américaine (29 avril 1945).

Simon Fryd, résistant né en Pologne, il fait partie du Bataillon Carmagnole. Arrêté par la police française, il est incarcéré à la prison Saint-Paul. Torturé, condamné à mort par la section spéciale de Lyon, contrairement à la mention figurant sur la plaque commémorative apposée à l’entrée de la prison, Simon Fryd n’est pas tombé sous les balles nazies mais a été guillotiné par la police de Vichy le 14 décembre 1943, dans la cour de la prison Saint-Paul.

Jean Arsac, résistant, arrêté par la police française le 25 janvier 1944. Condamné à mort par la cour martiale, fusillé dans l’heure le 2 février 1944 dans la cour de la prison Saint-Paul.

Marguerite Buffard, intellectuelle communiste, résistante, dénoncée et arrêtée le 10 juin 1944 avant de se défenestrer pour échapper aux interrogatoires de la milice aux ordres de Paul Touvier.

Cette liste est nécessaire.

Les dessins d’Ernest Pignon-Ernest ne sont pas beaux parce qu’ils sont beaux ; ils sont beaux parce qu’ils se refusent aux douceurs de la bonne conscience, de la lucidité, du courage ; parce qu’ils sont terriblement inconfortables et ne cessent d’interpeller l’aujourd’hui. La sommation est brutale : dans les guerres contemporaines, les conflits sociaux, les insurrections populaires, nous sentons-nous capables d’être à la hauteur de ceux qui résistèrent et luttèrent au péril de leur vie ou sommes-nous devenus si lâches, si vieux, si peureux que nous sommes condamnés à demeurer d’éternels spectateurs ?

 

Dans un dessin – même en perspective – il y a très peu de profondeur de champ. L’œil se heurte très vite au mur blanc du papier. Un mur qui semble ordonner : halte ! devant la figure. Pas question de fuir, ni de tourner casaque : il faut accepter de se mesurer avec cet autre qui surgit derrière les barreaux, dans une cellule, le long d’un mur. Cet autre dépouillé jusqu’à l’os par le dessin. Même si l’artiste creuse des ombres, dispose du noir et des gris, la dimension tragique d’un dessin vient de sa lumière qui est toujours un pleins feux. C’est une lumière frontale ; une lumière d’autant plus violente que le support agit comme un réflecteur. On est ébloui dans tous les sens du terme, même si l’art est ici un moyen et non un but. D’une certaine manière, le dessin interdit de regarder ailleurs, de laisser son esprit vagabonder au deuxième plan, au troisième, dans les lointains indistincts où la peinture s’alanguit. Si la boxe est un art de brutes pratiqué par des gentlemen, l’art d’Ernest Pignon-Ernest est un art de brute exécuté avec une délicatesse extrême. Ainsi le dessin nous rattache à la préhistoire, au geste initial de celui où celle qui traça sans hésiter l’auroch, le lion ou la gazelle sur la paroi de la caverne. Ernest Pignon-Ernest possède cette sûreté de la main et ce coup d’œil « préhistoriques », si bien qu’on finit par croire qu’il pourrait parfois dessiner les yeux fermés !

 

Parmi les premiers chrétiens, une idée a couru longtemps et s’est répercutée jusqu’à un verset de la sourate IV du Coran : Jésus « Christ » n’était pas mort sur la croix, un sosie lui avait été substitué, un jumeau, un autre comme Simon de Cyrène, Judas, Simon Pierre ou un jeune homme inconnu ; une illusion avait possédé les spectateurs du supplice, seul un leurre était cloué à la croix. Il n’avait été crucifié « qu’en apparence » et demeurait vivant. En dehors de toute perspective religieuse – contre elle, les figures d’Ernest Pignon-Ernest ne sont pas destinées à l’adoration ! –, ses dessins produisent un choc comparable à celui qui renversait ces croyants des temps anciens. Le choc de la présence réelle. À qui se risque à comparer photo et dessin, il apparaît que la photo porte en elle une limite. La perfection technique du  cliché produit une « ressemblance » quasi parfaite avec le modèle, mais, aussi puissant soit le regard de l’artiste, la photo garde le spectateur à distance, demeure une représentation. Au contraire (ou autrement) le dessin procure le sentiment de la présence réelle du modèle comme les visionnaires des premiers siècles ressentaient la présence du ressuscité ou de son ombre ; comme si l’esprit du dessinateur prenaient corps dans ce corps qui ne lui appartient que du regard et qu’il saisit par la main. Une main qui s’élance, virevolte sur le papier, « part en voyage » comme le disait Paul Klee et signe l’œuvre achevée tel un plongeur de haut vol qui pénètre dans la vague à l’instant même où elle se gonfle. Saut de l’ange qui est aussi un saut de la mort. Il n’y a pas de repentir. L’alternative est violente : ou c’est là, ou ça ne l’est pas. Il suffit parfois d’une maladresse, d’une retouche hasardeuse, d’un geste impatient pour que tout s’effondre, s’échappe et que le portrait disparaisse, retourne au  néant, au blanc total où tout doit se refaire.

 

Les œuvres d’Ernest Pignon-Ernest peuvent être vues comme autant de lettres que l’artiste nous adresse, écrites noir sur blanc, dessinées au plus haut degré d’intensité possible. Chaque des- sin s’affiche comme le dernier mot de l’homme condamné qui invente un alphabet que seule la mort peut lire. Lettres de longues peines gravées à l’ongle sur le mur, tracées d’un doigt sanglant ou trempé dans la merde. Au sens poétique, ses dessins composent un tombeau, un hommage au courage, à la lucidité, à l’engagement de ces combattants, à la solidarité qui, à travers le temps, nous lie à eux. Il faut les voir un par un et les considérer dans leur ensemble. C’est-à-dire que leur vérité s’exprime en plan large et en plan rapproché. En plan large, c’est le corps prisonnier dans l’espace qui nous sollicite ; en plan rapproché, ce sont les visages qui défient notre regard par le calme prodigieux de leur expression. Pas d’emphase ici, pas d’emportements, pas de cris, pas de théâtre de la révolte, mais une dignité constante. Ernest Pignon-Ernest ne dessine ni des saints ni des martyrs, ni même des héros mais des hommes et des femmes qui, jusqu’à la mort, ont proclamé cette dignité comme ultime acte de résistance face à leurs bourreaux.

 

Placé là où il est placé, dans cette prison, « donnant juste sur une gare » où l’on peut entendre « … la bagarre/Des machines qu’on chauffe et des trains ajustés » (2), le travail d’Ernest Pignon-Ernest fait des murs de Saint-Paul une part intégrante de son œuvre. Quel espoir, quelle tristesse, quels désirs contiennent ces bouteilles de plastique pendues à un fil que les prisonniers utilisaient pour s’adresser des messages, des cigarettes, des objets ? Ces « Yo-Yo » accrochés aux fenêtres qu’Ernest Pignon-Ernest transforme en ex-voto chargés ici d’une poupée, là d’une tenaille, ailleurs d’une araignée ?

Qui a brûlé cette guillotine dont l’ombre lugubre fait instinctivement reculer celui qui s’aventure dans la cour où son image se consume ?

Quel est ce paysage que le regard invente au-dessus de l’homme collé sur le mur du fond d’une cour de promenade ? L’œil y discerne tantôt une peinture chinoise tantôt un de ces décors que la grande peinture italienne de la Renaissance se plaisait à placer derrière une crucifixion, une Vierge en majesté ou un saint extatique. Un horizon aride où l’on ne sait si l’homme jaillit du désert pour nous rejoindre et proclamer la bonne nouvelle ou si, au contraire, c’est le point d’arrivée de sa vie qui s’achève sur cette terre ingrate et sans dieu. Mais peut-être est-ce un paysage intérieur que cet homme porte au secret de lui-même et que nous ne pouvons interpréter sans le réduire. Nous ne pouvons que mesurer l’immensité qui pèse sur cet inconnu dont le silence nous requiert et nous interroge. Paysage de pics, de buttes, de canyons. Terre pénitentiaire où nulle trace de pas n’indique qu’un autre, avant lui, a parcouru le chemin qui conduit à la mort. Que nul autre que lui le peut…

 

Une prison baptisée du nom d’un saint, voilà donc le décor dans lequel sont nées et ont été exposées les œuvres d’Ernest Pignon-Ernest. Dans « Ce que devrait être la peinture (3) », à propos de Josef Sima, Roger Gilbert-Lecomte écrit : « Nous pourrions commencer à nous entendre si vous vouliez donner au mot “exposition” le sens et la coloration affective qu’il aurait dans une phrase comme : “Dans la journée qui suivit l’exécution, il y eut exposition du cadavre du condamné qui, bien que couvert de crachats par la foule, opéra plusieurs miracles.” »

Jean Genet décelait un étroit rapport entre les fleurs et les bagnards. Pour lui il y avait un miracle de la rose. Pour Ernest Pignon-Ernest, il y a le miracle du dessin.

 

(1) Sergueï Mikhaïlovitch Eisenstein (1898-1948) est un cinéaste russe de la période soviétique, metteur en scène notamment du Cuirassé Potemkine (1925) et d’Ivan le Terrible (1944-1946).

(2) Paul VERLAINE, Cellulairement, Gallimard, coll. « Gallimard/Poésie », 2013.

(3) Roger GILBERT-LECOMTE, Josef Sima, L’Atelier des Brisants, 2001.

 

© Calmann-Lévy, 2014

© Photo : François Cartonné

 

 

Quatrième de couverture > Devant un film de Jean Cocteau ou de Pasolini, devant un scénario de Jacques Prévert ; devant les photos de Georges Azenstarck, celles des prêtres-ouvriers par Joël Peyroux, celles des albums de famille en banlieue ; devant les toiles de Patrice Giorda ou d’Ernest Pignon-Ernest, mais aussi devant une page des Cantos d’Ezra Pound ou d’un texte d’Antonin Artaud, qui ne s’est posé la question : qu’est-ce qu’on y voit ? Et plus interrogateur encore : qu’est-ce qu’on y lit ?

Au regard de textes écrits séparément mais tous gouvernés par cette même question : le mot et l’image seraient-ils frères de sang de l’écriture ?, Gérard Mordillat interroge les œuvres picturales, photographiques, littéraires ou cinématographiques qui, depuis toujours, sous-tendent et ses films et ses livres.

 

Pages choisies par Annick Geille

 

Gérard Mordillat, Le Miroir volé, Et autres écrits sur l’image, Clamann-Lévy, janvier 2014, 240 pages, 18 €

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