Annick Geille est écrivain, critique littéraire et journaliste. Elle rédige une rubrique mensuelle pour le journal Service Littéraire et dirige la Sélection en ligne du Salon littéraire. Elle vient de publier son onzième roman, Rien que la mer, aux éditions La Grande Ourse.

Lydia Guirous. Extrait de : Allah est grand la République aussi


Extrait >

 

« Un pays de salauds ? »

 

Aujourd’hui le mérite républicain, dans certaines cités, a cédé le pas au mérite communautaire. Le mérite communautaire consiste à rester dans sa communauté et surtout à ne pas collaborer avec les institutions françaises. Dans une certaine mesure, c’est un acte de résistance politique. Pour nos parents la question était « Qu’est-ce que l’on peut faire pour la France ? », « Que doit-on changer dans nos modes de vie pour nous intégrer ? »,

« Comment peut-on devenir des Français comme les autres ? » ; pour les intégristes des  cités et leurs myriades de petites frappes la question est

« Qu’est-ce que l’on peut faire contre la France ? », « Comment peut-on se distinguer ? », « Comment affirmer davantage nos différences ? ». Alors bien sûr on peut pleurer en disant que l’on n’a pas su récupérer ces enfants de la République et que l’école ne joue plus son rôle d’ascenseur social. Mais il faut arrêter de se mentir, pour ne pas dire arrêter les imbécillités, arrêter de manier ces idéologies culpabilisatrices. Tout le monde ne peut pas être polytechnicien, banquier, médecin, avocat, notaire, ministre… Les Français dits « de souche » autant que les autres !

Il y aura toujours de bons élèves et d’autres mauvais. L’égalité a ses limites dans la nature. La République offre généreusement les moyens de la réussite à tous ses enfants. L’école est gratuite et les aides existent. Celui qui travaille parvient tôt ou  tard à s’en sortir. Le parcours vers la réussite sera toujours long et pénible pour l’enfant d’ouvrier mais il demeure possible, encore aujourd’hui. Les exemples de personnes connues ou anonymes issues de milieux défavorisés qui ont su s’en extraire par leur travail et leur talent sont nombreux. En politique, d’Anne Hidalgo, élue maire de Paris, à Manuel Valls, Premier ministre, ce sont « tous des enfants d’immigrés », comme dit le slogan des manifestations contre le FN. Ils sont nés à l’étranger et naturalisés. D’autres encore démontrent que l’intégration et le mérite républicain fonctionnent : Aquilino Morelle, Philippe Seguin, Jeannette Bougrab, Rachida Dati, Fadela Amara, ou Henri Guaino. Dans le monde des affaires, les réussites sont également présentes : Mercedes Erra, fille d’immigrés espagnols, arrivée en France à l’âge de six ans, Hapsatou Sy, fille d’immigrés sénégalais. Dans les médias, on ne compte plus le nombre de journalistes, de chanteurs, d’acteurs d’origine étrangère plébiscités par le public. Il suffit d’allumer son poste de télévision pour le mesurer. La personnalité préférée des Français a longtemps été Zinedine Zidane. Depuis quelques années, c’est au tour d’Omar Sy d’occuper le haut du classement. Parmi les personnalités politiques préférées des Français, Rama Yade et Najat Vallaud-Belkacem figurent toujours au sommet du classement. Alors comment peut-on encore oser dire que la France n’intègre pas et que les Français sont racistes ?

La « réussite » ce n’est pas un droit, ce n’est pas plus un devoir. C’est un choix de vie qui impose du travail, des sacrifices, du  temps et une dose de chance. L’égalité de droit existe mais l’égalité réelle n’existe pas, c’est une utopie. Évidemment que nous ne commençons pas tous la course de la vie avec les mêmes bagages et au même point de départ. Le chemin à parcourir sera plus long et sinueux pour l’enfant des  milieux populaires, et encore plus pour celui qui cumule une origine sociale défavorisée et des origines étrangères. Sa détermination doit être plus grande. Mais la « réussite » n’est pas une fin en soi et ne pas « réussir », est-ce une raison pour en arriver à insulter la France et la République ? Est-ce une raison pour imposer des modes culturels sur la voie publique et mépriser chaque jour dans les rues le principe d’égalité entre les hommes et les femmes avec le port du voile, du niqab ou de la burqa ?…

Pour de nombreux jeunes, le raisonnement est le suivant, « La France n’a pas fait de moi un médecin, c’est un pays de salauds, je les emmerde ». Mais peu de gens osent leur répondre que de très nombreux Maghrébins sont devenus médecins, avocats et que toutes les conditions sont offertes par la France pour y arriver et que ce n’est peut-être pas du devoir de la France d’amener tous ces enfants, Français de souche ou issus de l’immigration, parmi la bourgeoisie.

 

© JC Lattès 2014

© Photo : Delphine Jouandeau

 

 

Quatrième de couverture > « Du voile de Creil… au djihad en Syrie… Nous avons perdu une bataille, oublié de descendre à la station République… »

Enfant de l'immigration, Lydia Guirous n'a pas eu de difficulté à s'intégrer. La France, elle l'aime. Trop peut-être ? Au point de déranger ceux qui voudraient qu'elle la rejette ?

À mi-chemin entre le manifeste et le témoignage, elle pointe la dangereuse dérive d'une France qui a honte de ses valeurs, de son histoire et abdique face à la montée du communautarisme et de l'islam radical.

Dans cet essai courageux, au travers d'anecdotes acérées, elle dénonce les atteintes portées aux droits des femmes, la radicalisation d'une partie de la jeunesse des quartiers populaires, le piège de la double culture et de la « diversité », le jeu trouble des politiques, et leurs difficultés à faire respecter ce principe qui protège tous les enfants de la République : la laïcité.

 

Lydia Guirous a 29 ans, elle est diplômée de l'université Paris Dauphine et de l'ESCP. Féministe, elle est la fondatrice de l'association Future au Féminin et a créé la cellule SOS Harcèlement sexuel (APHP)

 

Pages choisies par Annick Geille

 

Lydia Guirous, Allah est grand la République aussi, JC Lattes, octobre 2014, 250 pages, 17 €

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