Annick Geille est écrivain, critique littéraire et journaliste. Elle rédige une rubrique mensuelle pour le journal Service Littéraire et dirige la Sélection en ligne du Salon littéraire. Elle vient de publier son onzième roman, Rien que la mer, aux éditions La Grande Ourse.

Damien Le Guay et Jean Philippe de Tonnac : Les Morts de notre vie

Première impression : Bonne idée et bon choix des intervenants.

 

Première prise en main : Facile, voire agréable ; quatrième de couverture convaincante.

 

Quatrième de couverture > Quand il faut évoquer la mort, nous savons que... nous ne savons rien. Quand il nous faut parler des morts de notre vie – qui vivent encore en nous, habitent notre cœur –, les mots nous manquent. De cette perte, de la mort même, nous préférons ne pas parler. Et pourtant, les absents n’en finissent pas d’être présents. Nous en sommes les gardiens fidèles.

À travers les entretiens qu’elles ont accordés à Damien Le Guay et Jean- Philippe de Tonnac, sept personnalités acceptent ici de témoigner. Juliette Binoche, Christian Bobin, Catherine Clément, Philippe Labro, Daniel Mesguich, Edgar Morin et Amélie Nothomb nous livrent avec profondeur et générosité leurs sentiments intimes, leurs croyances ou leur incroyance, leur philosophie de la vie. Au-delà des chagrins, des douleurs, ils disent tous le lien vital qui les relie à leurs morts – les morts de leur vie. L’extraordinaire diversité de ces paroles nous invite au partage pour être plus vivants.

Entretiens menés par Damien Le Guay, essayiste et Président du Comité national d’éthique du funéraire, et Jean-Philippe de Tonnac, essayiste, journaliste et éditeur.

 

Première phrase > Celle des deux auteurs et préfaciers Damien Le Guay et Philippe de Tonnac : « Quand il faut évoquer la mort, nous savons que nous ne savons rien. »

 

La page 32 (Pourquoi la page 32 ? Et pourquoi pas ? Elle permet de se faire rapidement une idée du texte, nous l’avons choisie à cet effet).

Il s’agit d’un extrait des propos d’Amélie Nothomb, interrogée sur la mort d’un très proche : l’homme qu’elle a aimé. Et des « enseignements qu’elle en a tirés qui pourraient aider ceux qui traversent de semblables épreuves. » > « […] Un amour extrêmement fort, absolu peut tout à fait survivre à la mort et pas seulement à titre de souvenir. Cela dépend probablement des deux protagonistes, de l’amour qui les reliait, de leur ouverture, de leur sensibilité, de leur volonté de ne pas en rester là. Je fais des suppositions, comme vous le voyez ; l’être dont je parle était quelqu’un de très bien, de très spirituel. L’amour, pour lui comme pour moi, avait beaucoup d’importance. Il n’est peut-être pas possible de vivre cela avec n’importe qui. Je vous le dis sans une grande connaissance ou maîtrise du sujet. Je n’ai "à mon actif" de deuils essentiels, si je puis dire, que ceux de ces deux personnes. Quand mon amour est mort, j’étais dans un certain sens analphabète. Je n’avais rien lu sur le sujet, ne savais pas comment les autres affrontaient l’épreuve de perdre un être sans qui la vie semble ne plus valoir la peine d’être vécue. Comment passe-t-on de ce type de déclaration à l’évidence de la vie recommencée avec cet être en soi ? Comment réaliser l’évidence d’un amour que la mort n’a pas arrêté ? Je ne sais pas.

– Ce bon mort, par opposition au mauvais mort, diriez vous qu’il est votre ange protecteur ?

– Oui, je pourrais formuler les choses ainsi. Je me souviens de toutes les phrases qu’il prononçait au moment où je me battais avec l’idée de sa mort prochaine, où j’allais si mal. Et ces phrases me reviennent lorsque je continue à ne pas me sentir bien. »

 

Dernière phrase > « Et si cette détermination s’effiloche, relisez les Lettres à un jeune poète : Rilke nous y invite à cesser les bavardages,  à nous hisser à hauteur de notre solitude essentielle, à parler sans fard de cette vie précieuse tissée, en contrepoint, des fils noirs de la mort. »

 

Conclusion > La mort est toujours un sujet tabou en France. Cet ouvrage salutaire ose le vaincre. Il a raison. Nous le lisons avec plaisir, voire avec une sorte de gratitude car c’est le seul sujet qui importe, et les auteurs ont pressenti que nous avions besoin de leur réflexion. 


Annick Geille

© Photo Amélie Nothomb : Olivier Dion


Damien Le Guay et Jean Philippe de Tonnac, Les Morts de notre vie, Albin-Michel, octobre 2015, 304 pages, 19,50 €

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