Les injonctions de Laura Vazquez
Laura Vazquez , « Menace, », Editions Derrière la Salle de Bains, 6 €, 2015.
Pour Laura Vazquez l'objet-même de tout poème et le langage lui-même. Dégagé de l’euphorie du liant il menace et s'écrit dans un souffle, c'est-à-dire dans ce qui souffle devant lui les figures du monde, les pulvérise, en défait les contours codés, les remet en jeu et en vie comme mouvement d'apparition. « Menace » dans ses jeux de répétitions est donc une émanation, une explosion. Laura Vazquez lutte contre l'asphyxie des langues que l'usage communautaire pollue et des êtres que la domination du genre fait plier. La poétesse y poursuit sa course de vitesse contre la fermeture stabilisée des significations. Le souffle devient un produit anticoagulant. C'est pourquoi la poétesse refuse le mot d'inspiration. Elle préfère l’expiration en ses suites de glissements, d'ondes, de mouvements, de réitérations. L’ensemble invente un style qui emporte la nuée des figures, des images, des pensées.
Par son souffle le texte (in)forme du monde. Reprenant à sa main la formule de Lacan "Là où ça parle, ça jouit, et ça sait rien", Laura Vazquez inverse la position doloriste (ou durassienne) de l’écriture : ce n'est pas un martyre, ni une radicale ascèse - Clarisse Lispector n’est pas loin. Mais ce n'est pas pour autant une partie de plaisir. L’activité suppose quelque chose de l'expérience mélancolique et une vive sensation de l'incapacité des langues et formes apprises à symboliser l'expérience qu'on se fait du monde. Laura Vazquez rappelle que le fond de l'être effraie, tissé de barbarie, ouvert sur la rumeur de l'inconscient. Son texte (et toute son œuvre) compose avec cela et en s'appuyant une « morale » pas vraiment hédoniste - voire parfois un peu masochiste – mais tendue par l'exigence d'un gai savoir lucide et cruel. Il fait tomber au fur et à mesure bien des illusions affectives, conviviales, sociales, idéologiques, épistémologiques. Que demander de plus ?
Jean-Paul Gavard-Perret
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