Dix bonnes raisons de ne pas lire "Kafka suite" de Laurent Jouannaud

Pour remettre un peu en lumière ce très beau roman, très aventureux aussi, Kafka suite, Laurent Jouannaud nous donne dix et plus raisons de ne pas lire son livre. Ce qu'on a fait depuis sa sortie l'an dernier, d'ailleurs, mais ne le lui disons pas ! 


Nous ne connaissons malheureusement pas cet éditeur qui a publié cet auteur qu’on ne connaît pas non plus.

 

Y’en a marre de ces intellectuels qui se branlent en lisant Le Procès et La Métamorphose. Parasites, fichez la paix au grand Franz ! Nains obscurs, cessez de vouloir l’escalader !

 

Kafka était juif, n’est-ce pas ? Le génocide, l’antisémitisme, les camps, on en entend trop parler. On sait tout là-dessus, non ?

 

Je vous dis, moi, que son Kafka à ce Jouannaud-là, il n’est pas casher, ou kascher, ou koscher, enfin, vous m’avez compris. Attendez voir les réactions de la Synagogue !

 

C’est un roman inutilement triste et cruel : à la fin, Kafka meurt une seconde fois. A quoi bon l’avoir ressuscité des morts ?

 

Il y a des femmes, c’est bien, il en faut dans un roman. Mais il n’y a pas de sexe ! Franz ne les baise même pas !

 

Il y a des mots en allemand et en tchèque, et ça, c’est pas bien : il faut défendre la langue française, merde, alors !

 

Par moments, Jouannaud se prend pour Kafka : il continue le Journal de Franz et écrit des nouvelles en son nom! Non mais, vraiment, pour qui se prend-il ! Gonflé, le mec !

 

Il y a une coquille à la page 117. C’est dans une expression en tchèque, d’accord, mais les tchécophones ont droit eux aussi au respect.

 

L’idée était bonne, mais on est déçu : ce Kafka reste Kafka. Nothomb l’aurait fait partir au Japon cultiver des plantes carnivores, Angot aurait reconstitué la fellation imposée par le père sur le fameux balcon, Toussaint aurait décrit l’inceste avec une des trois sœurs, Djian en aurait fait un super bon baiseur, Lévy l’aurait fait retrouver sa première fiancée, Felice Bauer, en Amérique, où ils auraient tous deux, enfin, connu les joies de l’amour partagé, après tant de vicissitudes… Non, vraiment, Laurent Jouannaud, vous manquez d’imagination.

 

Et puis ce roman sur Kafka n’est même pas kafkaïen…

 


Laurent Jouannaud

pour le Salon littéraire 


Laurent Jouannaud, Kafka suite, Pascal Galodé éditeur, octobre 2012, 21 eur



2 commentaires

crouton30

Il réussit  très bien  !


Non, pas  la moindre envie de lire ce  texte  d'un auteur  qui pourrait être
sympathique  ...

je ne sais pas, toujours pas pourquoi  il faudrait absolument  que  Franz K. n'aime pas le sexe  ...Ses démêlés avec  cette idiote de Félicie B.  sont surtout la preuve  de son  immense honnêteté ,  de son perfectionisme   dans tous les domaines  ,  erreur de jeune homme  ...(!)  L'aventure passionnée qu'il vécut 12 ou 13 ans plus tard avec la passionnante Dora D., folle de thèâtre , hébraisante ,  à ce point fusionnelle qu'il pouvait écrire en sa présence .....   Dora dans  ses  souvenirs , trop courts , hélas,  elle a eu une vie très dure , quelle époque ,( lire tout simplement sa biographie incontournable par une autre Diamant) ,  mais  immensément touchants  ,  ces passages  où on le devine , tendre, fougueux, insatiable....   
Franz était naturiste  ,  végétarien  ,   il aurait voulu travailler de ses mains , vivre à la campagne  ....  tout cela est dans le journal  ,  dans les témoignages de ses  amis,  c'est un tout  , il était   tout  cela  , au bord  du gouffre  souvent , extralucide , extrasensitif  ,  il  savait  ,   il savait tout , il avait tout compris  ,    mais voîlà  ,   en  1924  ,  on guérissait rarement de la tuberculose  ...

Ah,  oui,   mais  lisez  donc  ,   qu'il riait comme un fou en lisant les premiéres pages  du  procès....    moi  aussi  ...

Vous lisez l'allemand  ??

Qu'est-ce-que vous êtes fatigant      ....

demetria

Chère Clea,

A chacun son Kafka, mais je trouve que l'œuvre, la vie et la mort de Kafka sont assez extraordinaires sans en rajouter. Or bien des contemporains de Kafka en rajoutent, à commencer par Brod. 
L'épisode Kafka a tenu peu de place dans la vie mouvementée de Dora Diamant, et, on peut dire qu'elle s'est vite consolée de sa mort, en lisant justement la biographie de Kathi Diamant. Les difficultés de Kafka face à l'amour physique, je ne pense pas que sa maladie, très contagieuse, lui ait permis de les résoudre. Je vois entre elle et lui une relation forte, mais asexuelle. Je n'en ai aucune preuve, mais on n'a pas non plus la preuve du contraire. On sait en tout cas qu'avec d'autres femmes aimées, par exemple Milena (qui n'était pas farouche!), Kafka aimait surtout parler de l'amour. 
 Je fais vivre Kafka jusqu'en 1945, et, "mon" Kafka restera le même, c'est d'ailleurs mon idée profonde: il y a des êtres qui changent, qui évoluent, qui se développent au cours de la vie, et il y a des êtres têtus, obtus, bruts, qui ne changent pas. A mon avis, Kafka est de ceux-là, c'est sa grandeur et son drame: il est  toujours le même, avec ses peurs, ses idées obsessionnelles, son charme qui était une protection, et cette indépendance phénoménale qui seule permet d'écrire.
L.J.