Laurent Mauvignier : tout ce qui reste

Laurent Mauvignier réalise son Shining littéraire dans les spirales d'un roman en apparence champêtre du côté de La Bassé lieu formé d'un bourg et quelques hameaux, dont celui qu’occupent Bergogne, sa femme Marion et leur fille Ida, ainsi qu’une voisine, Christine, artiste installée ici depuis des années.

Tout s'organise pour préparer l’anniversaire des 40 ans de Marion dans le meilleur des mondes possibles  jusqu'à ce que des inconnus rôdent autour de le maison. Et peu à peu tout se transforme sur la passerelle des abîmes dont on frôle des âmes à la cime des arbres, mais des âmes propres à faire des autres leur proie.

L'auteur cultive ainsi un mauvais genre sans s'en tenir à une écriture de base linéaire.  Il multiplie les incidences dans un monde à la Nick Cave (époque Stagger Lee). Là où tout semblait fait pour l'harmonie, la joie se déglingue. Et la roman devient une méditation tragique par l'action poétique d'une écriture dont la narration implique une suite de bascules au sein des phrases elles-même.
Au milieu de personnages de moins en moins fiables (et c'est peu dire) l'épouvante est presque dépassée. Mauvignier capte des ondes maléfiques et incarnées. Dans le genre c'est parfait même si ce n'est pas forcément une tasse de thé agréable.

Mais force est de reconnaître qu'exposé à la rouille et au fer d'une destruction moléculaire les jeux de l'auteur sont faits et bien faits avec fission là où les lames chantent et déchantent dans la fiction d'un ciel et le faux espoir de la vie au grand aire là où nul ne rachète les diables ni leur évangile et pas même leur "purification" (si l'on peut dire) finale.

 

Jean-Paul Gavard-Perret

 

Laurent Mauvignier, Histoires de la nuit, éditions de Minuit, 2020, 640 p.-, 24 euros
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