"Le Revenant", le livre & le film

1823, Missouri. Après une attaque indienne qui a tué un groupe de trappeurs, le dirigeant de la Rocky Mountain Fur Company décide d’envoyer deux nouvelles équipes, dont celle du capitaine Henry dans une nouvelle tentative pour rallier Fort Union par un trajet inconnu et dangereux en plein territoire indien.

Le groupe de trappeurs, formé de repris de justice, d’aventuriers, a en commun un déficit absolu de morale et une santé de fer. Les eaux des rivières, les Indiens ou les animaux sauvages leur laissent en effet une espérance de vie plutôt faible.

En l’occurrence, c’est l’un des plus courageux et des plus droits, Hugh Glass qui réchappe en morceaux d’une attaque avec une ourse protégeant ses petits. Presque scalpé, lacéré, défiguré, le dos et la gorge ouverts, l’homme n’a probablement plus que quelques heures à vivre. Même les rudes chasseurs sont sous le choc.

Les Indiens sont là tout proches, les blancs doivent fuir, mais on n’abandonne pas un homme encore vivant. Deux hommes, Bridger et Fitzgerald sont donc désignés contre rémunération pour le veiller et l’enterrer tandis que le restant de la troupe file vers le nord.

Mais le vieux Fitzgerald, meurtrier, joueur invétéré, qui a fui ses créanciers et le jeune Bridger, influencé par son aîné vont bientôt laisser Glass à son triste sort en lui volant ses biens les plus précieux, son fusil, son couteau, sa poudre. Ce qui signifie dans cet environnement, le tuer une seconde fois.

Contre toute attente, le blessé va se rétablir et avec un courage hors du commun s’en sortir. Mu par son désir viscéral de vengeance il parcourt, brûlant de fièvre, ses premiers kilomètres en rampant. De l’eau fraîche et un serpent tué à coups de pierre seront le début de sa renaissance, la rencontre avec une tribu indienne bienveillante fera le reste. Un sorcier purgeant les asticots qui ont élu domicile dans ses plaies le délivrera sinon de ses souffrances, du moins de l’infection.

Hymne au courage, à la nature, à la résilience, The revenant est basé sur des faits réels, bien que très largement romancés. Hugh Glass qui a bien existé, fait partie de la légende de la Frontière.

L’épopée de ces hommes durs au mal, fascinés par l’Ouest, le désir de se créer une vie à leur mesure a déjà été maintes fois racontée mais ce qui fascine dans le roman de Punke est la personnalité du héros qui n’est pas un pur desesperado mais un homme cultivé, attiré dès son plus jeune âge par la géographie. Lui, que son père, un maçon aisé destinait à des études de droit se passionne pour les vastes Terra Incognita et commence sa carrière comme marin. C’est donc cet homme là, fiancé à une jeune fille de bonne famille qui tire sur des indiens et dispute à des loups, les restes d’une charogne.

Mikaël Plunke, l’auteur du roman, diplomate à l’OMC qui a grandi dans le Wyoming, a pour passion les grands espaces, la randonnée et la pêche, est tombé un jour sur une brève racontant l’histoire de Glass et a décidé d’écrire cette magistrale histoire de fer, de neige, de feu et d’orgueil.


Et le Film ?


Si le long métrage de Alejandro González Iñárritu reprend les grandes lignes du roman, la trame en est quelque peu différente : Glass qui veut toujours se venger de ceux qui l’ont abandonné, a une autre raison de mener son expédition à bien : les scénaristes lui ont imaginé un fils indien que Fitzgerald tue avant de laisser le père agonisant.

Le film long, très long, magnifique qui devient l’histoire d’une vengeance paternelle perd peut-être en pureté - on n’est plus dans la stricte réparation personnelle -, mais quel spectacle !

La scène avec l’ourse est déjà devenue culte, même si le spectateur ne saura jamais vraiment comment elle a été tournée : s’agit-il d’un animal numérique ou d’une joute avec un cascadeur ? Les trois attaques de la bête qui secoue le trappeur comme un fétu de paille avant de le laisser pour mort sont insoutenables de réalisme et de violence. L’homme et l’ursidé s’affrontent dans un ballet terrifiant, réglé au millimètre.

Le reste est à l’avenant. La nature est grandiose et sublime avec ses étendues enneigées, ou sinistre avec ses forêts sombres. Durant des centaines de kilomètres, Glass va survivre dans un Ouest de légende avec ses paysages à couper le souffle et ses dangers omniprésents. Passer des nuits en plein blizzard sans allumer de feu pour ne pas se signaler, manger du foie de bison cru, se réfugier dans la carcasse encore chaude d’un cheval ne l’ effraie pas plus que de voir tomber un par un les camarades à qui il se joindra parfois au fil du périple.

La survie est aléatoire avec les indiens aux flèches précises qui passent, lointains comme les princes d’une tragédie antique, bientôt vaincus par les blancs.

Leonardo Di Caprio qui a reçu enfin l’Oscar du meilleur comédien est l’acteur. Méconnaissable, défiguré, grognant, éructant, il est à la mesure du film : géant, démesuré. N’ayant que très peu recours au langage puisque blessé à la gorge, il ne peut parler et passe les trois quart du temps seul dans les étendues glaciales, il peut donner libre cours à son exceptionnel talent.


Brigit Bontour



Mikaël Puncke, Le RevenantLe livre de poche, février 2016, 384 pages, 7,60 eur


Alejandro González Iñárritu

Le Revenant, février 2016, avec Leonardo di Caprio, Tom Hardy, Domhnall Gleeson


L’histoire du trappeur Glass a déjà été adaptée au cinéma avec le Convoi sauvage, de Richard Sarafian en 1971, il serait intéressant de visionner le film.


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