Quand le paysage français sort de ses gonds

                   

 


 


Créé en 2010 par Jérôme Brézillon, Cédric Delsaux, Frédéric Delangle et Patrick Messina le collectif de photographes W.A.F. réuni d’illustres anciens (dont Bernard Plossu en tête de file) et des artistes majeurs de la jeune génération tels que François Deladerrière, Beatrix Von Conta, Elina Brotherus. Ils captent ici la diversité du territoire de la France de manière impressionniste en explorant ses paysages en leurs lignes de fractures, d’érection, de dilution, de modifications et de transferts sans - comme le souligne dans sa préface Jean-Christophe Bailly - « de grands élans de républicanisme nostalgique » ou le moindre « pathos nationalisme.

 

Reste ainsi  le meilleur du  moindre - ou ce que l’amateur lambda considère comme tel. Car ici le moindre n’est jamais le néant mais son contraire. En divers hiatus les 43 photographes ouvrent des espaces de narrations libres qu’ils accompagnent de textes et schémas préparatoires à leurs œuvres. Surgissent alignements et mutations selon divers rythmiques. Parfois la présence humaine devient un élément fondamental du paysage. Chez Elina Brotherus par exemple elle détermine des séquences poétiques afin de porter le vide à un niveau supérieur de plénitude. Le paysage aquatique et la figure féminine entrent en incidence de charges réciproques : l’émergence de la seconde souligne le grand vide du premier. Si bien que les deux participent du non lieu auquel l’artiste donne un espace paradoxal comme l’existence.

 

Chaque photographe pose le problème de la vie en gestation ou en extinction dans le paysage urbain, sauvage ou hybride. Certaines prises sont  retenues comme si tout restait en attente dans une forme de douceur. D’autres vues sont plus incisives et violentes : les montagnes deviennent des flèches dont l’intensité accapare, déborde.  La vie de la France apparaît errante et éloignée de toute récupération mémorielle cette maladie sénile des idéaux politiques. Devenant exsangues ils semblent n’avoir rien de mieux à faire que de conjuguer au passé le lyrisme délétère. Certains photographes devenus officiels ne s’en privent plus (Vous avez dit Depardon ?...). Qu’on se rassure : ils ne font pas partie du collectif WAF. Celui-ci offre un autre savoir et une autre emprise selon diverses dynamiques pour aller du clos à l'ouvert là où - au besoin - des naissances contiennent des abandons. Le tout  à l’extrême d’un soupir visuel où saisir n'éloigne pas l'énigme mais où même lorsque l’image semble sur le point de perdre pied elle sort du chaos. Le pays lui-même en tirera forcément quelque chose.

 

Jean-Paul Gavard-Perret


Collectif WAF (We Are French), « France(s) territoire liquide », coollection Fiction & Co, Le Seuil, Paris,  408 pages, 49 €, 2014.


Photographies : E. Brotherus et B. Von Conta.


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