Petite enquête sur le plagiaire sans scrupule

Quand j'étais étudiant, on parlait souvent de ces petits malins qui avaient envoyé un texte de Marguerite Duras - je crois bien... -, à peine modifié (les noms, les lieux, etc.), aux éditeurs germanopratins, et s'étaient amusés des lettres de refus pour "défaut de style". Las, l'heure n'est plus à la taquinerie, le plagiat est devenu une vraie plaie et une vraie industrie !

Après un essai très remarqué portant définition juridico-littéraire du plagiat comme système (Du plagiat, PUF, puis Folio), Hélène Maurel Indart revient avec un essai assez caustique où elle étudie les différentes techniques de plagiat, ainsi que les  arguments des plagiaires pour être tout à fait sans scrupules...

Il n'y a pas de plagiaire type, mais une infinité de façons de faire, plus ou moins consciemment, plus ou moins grossièrement. Et autant de façon de tenter de ne pas passer pour un voleur, comme celle de PPDA (l'éditeur signalant que la biographie incriminée avait été reçue par les journalistes dans un état inachevée, lire "nous n'avons pas fini de masquer les emprunts"...) ou celle de Michel Houellebecq (j'ai copié-collé Wikipedia et alors ?). Mais ce sont deux personnages importants, comme tant d'autres condamnés, et qui continuent leurs activités comme si de rien. Comme il faut publier pour exister, et que certains sont vraiment à vide d'inspiration, pourquoi ne pas taper dans l'immense montagne des livres (espère-t-on) oublié ?

Une enquête criminelle

Le livre s'ouvre d'abord par une explication des différents modes opératoires du plagiaire (son portrait-robot, sa victime, ses complices, ses armes, ses techniques pour brouiller les pistes et effacer ses traces), se poursuit par une mise à nue des techniques rédactionnelles propres à cette activité (réécriture, détournement, etc.) et se conclut par la partie la plus amusante, celle des systèmes de défense (la bonne foi, le bon droit, la faute aux autres, à Internet, des pulsions mal contrôlées...)

Est-ce pour autant un manuel du petit plagiaire illustré par l'exemple ? Si les "combines" des plagiaires sont bien montrées, il faut lire cela comme un roman policier, où les méchants sont punis à la fin, car Hélène Maurel-Indart, universitaire et experte  juridique sur cette question, n'a d'autre but que de rendre les plagiaires honteux d'autant plus ridicules. Et quand elle met les textes les uns en face des autres, en colonnes, il faut admettre que certains, et des célèbres, n'ont pas été de très habiles faussaires... 

Et dans le plagiat comme ailleurs, quand la copie montre les défauts de l'original, alors on passe à la création littéraire, comme le fit Antonin Artaud en reprenant Léon Wailly et en affirmant "son autonomie créative face au modèle". Mais dans la liste noire des affreux plagiaires, Artaud reste une exception, tant par ses ambitions que son talent...

Loïc Di Stefano

Hélène Maurel-Indart, Petite enquête sur le plagiaire sans scrupule, Léo Scheer, "documents", janvier 2013, 130 pages, 15 euros

5 commentaires

L'écriture n'est pas un art,ni un métier...

Mais juste le prolongement génial d'une histoire...
Celle de l'humanité !
Menteuse,voleuse, vaniteuse...
Et blablabla.

Bonsoir, les marques pages !

(MDR)
 

Et non !

l'écriture est un métier et un art
quand on ne met pas son nom sur les mots des autres

L'humanité peut être voleuse, menteuse et vaniteuse. Elle nous grandit et nous exalte quand elle se fait héroïque, authentique et inventive. Y rêver fait les matins prometteurs et les soirées moins désenchantées. Merci à Loïc pour sa lecture nuancée et avisée.

Au-delà du plagiat paresseux de faussaire, je trouve pourtant très intéressantes les créations  autour de  l'intertextualité. 

L'intertextualité est un moteur essentiel de l'histoire littéraire, en effet Anne, mais c'est une chose que de jouer sur un texte cité ou évidemment repris et une autre que de mettre simplement son nom sur celui d'un autre.

Prenons Festin secret de Pierre Jourde par exemple, c'est un labyrinthe intertexuel où se rencontrent aussi bien Gadenne que Kafka, mais l'oeuvre est de Pierre Jourde.
Prenons Sartre, à qui l'on reprochait de ne faire qu'un mélange de philosophes allemands, et il répondait "oui, mais le mélange, c'est moi qui l'ai fait"...