Léon Tolstoï (1828-1910), écrivain majeur de la littérature russe, mêlant récit et considérations morales et philosophiques, prônant à la fin de sa vie la non-violence et l'ascétisme. Biographie de Léon Tolstoï.

Le diable dans la peau ?

Il y a les idiots utiles qui réclament le boycott des athlètes russes aux prochains JO, et il y a les éditeurs responsables qui continuent à séparer le bon grain de l’ivraie. Ainsi, lire Tolstoï n’est pas – encore – inscrit dans les mesures de rétorsion édictées par l’UE, et l’on s’en réjouit…
Ici se déroule une nouvelle cruelle, inspirée des émois des Hommes – oui, cela se retrouve aussi chez les femmes – prisonniers d’un désir, d’une passion plutôt, qui les dévore comme la lave sur la plaine abandonnée aux appétits de la chair.
Troussée avec gourmandise et délicatesse, la nouvelle de Léon Tolstoï est toute en nuances et contre-pieds. Un jeune homme est bouleversé de croiser au village son ancienne maîtresse, alors que marié à une ravissante jeune femme, l’aimant de ton son cœur, il se croyait – le naïf – à l’abri des pulsions charnelles. Lesquelles, génétiquement ancrées dans notre corps, répondant aux desseins reptiliens de notre origine et de nos obligations de reproduction, osent parfois briser le pacte de la fidélité prononcé sur l’autel du mariage. C’est ce que l’on appelle familièrement avoir quelqu’un dans la peau. Et n’en déplaise à Camus – qui donnait bien des leçons qu’il ne pouvait pas s’appliquer à lui même – il arrive que parfois l’on ne puisse se tenir. Le dilemme est alors insupportable ; c’est d’ailleurs ce qui va pousser Irténiev à devoir prendre une décision capitale puisque l’image de Stépanida, son corps de braise, ses fins mollets, sa gorge laiteuse, lui retournent les sens. 
Coquinement habillé d’une couverture hypnotique, ouvrant la voie à cette vérité sensuelle qui habite nos esprits et apaise aussi nos tourments, ô sein contre lequel s’endormir chaque soir est un luxe immérité dont trop peu savourent l’octroi, ces quelques pages essentielles portent la littérature au firmament du destin de l’Homme face à son honneur, au-delà de toute croyance, dans le plus simple élément de son humanité.  

François Xavier 

Léon Tolstoï, Le Diable, traduit du russe par Boris de Schloezer, Folio, février 2023, 37 p.-, 22€ 

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