Kathleen Walker-Meikle, Chats du Moyen Âge : en majesté !

N’en déplaise à Baudelaire, Il n’y a pas que « les amoureux fervents et les savants austères » pour aimer les chats. Ce sont, avec leurs ennemis héréditaires les chiens, les animaux de compagnie les plus prisés. La fascination qu’ils exercent est immémoriale. On sait la vénération que leur vouaient les anciens Egyptiens. Qu’elle soit motivée par l’efficacité des félins pour évincer rats et souris des silos à blé, comme l’ont prétendu certains historiens, me semble une explication un peu courte. Pour tout dire, bien prosaïque : les liens privilégiés que l’homme a su tisser avec ces animaux énigmatiques appartiennent à un domaine plus subtil. Ils ressortissent de la magie, relèvent d’une connivence, d’une attraction mutuelle que l’on ne saurait définir.

 

De cette cohabitation qui n’est pas exempte d’ambigüité, où l’affection se mêle à la crainte, l’amour et l’admiration à l’exécration, le Moyen Âge offre un exemple privilégié. Kathleen Walker-Meikle lui consacre un petit ouvrage passionnant de bout en bout. Tout s’y trouve, de la place du chat et de son rôle, qu’il soit considéré comme un humble chasseur ou une créature magique dotée des fameuses neuf vies, jusqu’à son utilisation et à ses nombreuses représentations. Car l’iconographie médiévale en a fait grand usage, dans tous les types de manuscrits, dans les lettrines et dans les marges, souvent pour le seul plaisir du lecteur.

 

Ce qui retient d’abord dans ces Chats du Moyen Âge, c’est précisément la richesse et la qualité des illustrations. Extraites de livres d’heures, de psautiers, de traités de médecine ou de droit, de bestiaires ou de romans, de bréviaires ou de calendriers, réalistes ou symboliques, parfois facétieuses ou grotesques, elles représentent le chat dans tous ses états, tenant souvent une souris dans sa gueule ou cherchant à la saisir. A moins qu’il ne se batte contre un chien ou même contre un serpent à figure de dragon. Autant de scènes témoignant de talents divers. Observation, fantaisie, imagination, minutie des détails, chacune des enluminures vaut d’être vue. Mieux encore, scrutée, si l’on veut n’en rien perdre.

 

L’auteur, médiéviste distinguée, consacre ses travaux universitaires à la place de l’animal dans la médecine médiévale. C’est assez dire qu’elle connaît la période dans ses moindres recoins et qu’elle puise la matière de son essai dans  un corpus dont l’étendue et la variété laissent pantois. Que le lecteur se rassure : rien de pédant dans son texte. L’érudition, illustrée par de nombreuses anecdotes souvent surprenantes, n’est jamais aride. Le chat y est raconté dans son quotidien tel que le révèlent les manuscrits entre le XIe et le XVIe siècles.

 

On apprend les noms qui lui étaient attribués dans divers pays européens (ainsi Mite, d’où découle la vieille expression française «faire la chattemite »), sa valeur marchande, difficile à déterminer en raison de son double statut de chasseur de souris et d’animal de compagnie, celle de sa fourrure, son rôle dans l’imaginaire populaire, où sa réputation sulfureuse lui vaut d’être la victime de sacrifices rituels, ou dans les contes qui le mettent souvent en scène.  

 

Tout cela a de quoi combler les amoureux des chats. D’autant que l’éditeur, à qui il convient, en l’occurrence, de tirer son chapeau, n’a pas lésiné sur la présentation : beau papier, reproductions soignées, élégance de la maquette. Ce livre insolite est un véritable objet d’art. Il peut constituer, on l’aura compris, un cadeau de Noël original.

 

Jacques Aboucaya

 

Kathleen Walker-Meikle, Chats du Moyen Âge, traduit de l’anglais par Laurent Bury, Les Belles Lettres, novembre 2013, 98 p., 13,50 € 

 

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