Avant que naisse la forêt

Albert mène une vie sans histoires en banlieue parisienne, entouré de sa famille, jusqu’au jour où il apprend le décès de sa mère. Afin d’organiser les obsèques, il se rend dans la Mayenne où se trouve la grande propriété familiale, entourée d’une immense forêt.

Un environnement qui va petit à petit transformer notre homme, même s’il entend tout d’abord s’en tenir à sa mission. Pour rendre hommage à la défunte, il cherche un accompagnement musical aux funérailles et essaie de trouver l’inspiration dans la discographie qu’il redécouvre. La bande-son va de Kim Carnes à Françoise Hardy, de Lucid Beausonge aux Beatles, en passant par Julien Clerc, Charlélie Couture, Gérard Lenorman ou encore Eurythmics et U2. Cette variété qui a le pouvoir singulier de l’émouvoir autant qu’elle le fait replonger en enfance. Car la mort de sa mère l’a rendu hypersensible. Et puis, il est victime du Béja. C’est ainsi que l’on appelle le coup de fatigue violent, impossible à surpasser, qui frappe les parisiens qui arrivent en Mayenne.

Il n’est par conséquent pas étonnant que ses nuits soient troublées par des bruits qu’il perçoit, des voix qu’il croit entendre, par la sensation d’une présence. «Je n’ai pas peur, j’attends ce qui doit venir. Un air de musique, une chanson, mais aussi la vérité sur ma mère, les secrets gisant dans les tiroirs, sous des couvertures de mouches mortes. Je dois apprendre à prêter l’oreille. Comprendre les signes. Cela viendra.» 

Est-ce le tableau de La marchande d’oignons – qu’il a toujours trouvé effrayant – qui prend vie ? Est-ce l’esprit de la forêt qui le submerge ? Est-ce l’ermite qui vivrait au fond des bois qui défend son territoire ? À moins que le grand chêne que sa mère a fait abattre ne veuille se venger…

Entre héritage et initiation, ce roman est une ode à la nature, à ce besoin de retrouver les origines sauvages en se dépouillant de tous ces biens matériels que la civilisation nous a, en quelque sorte, imposés au fil des ans. Albert commence par préparer un grand bûcher afin d’y brûler ce «superflu», objets puis meubles qui l’empêchent de se sentir parfaitement dépouillé.

Dans le village, on s’interroge. D’abord considéré comme une lubie de parisien, le comportement d’Albert va bien vite les intriguer, puis les inquiéter… Leur voisin n’est-il pas en train de devenir fou ? À moins qu’ils ne comprennent pas cette ascèse «Tout ce que je fais, même ce qui peut sembler le plus bizarre, me vient comme une évidence, des actes naturels qui dormaient en moi, sous des couches de gestes formatés. Comme s’habiller quand on en a pas besoin. Mais il commence à faire froid et j’ai, sans m’en rendre compte, brûlé mes vieux habits.»

Jérôme Chantreau nous raconte cette quête écologique avec ce même souci de simplicité, sans fioritures inutiles. Pari réussi !

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