Fernand Léger et Louis-Ferdinand Céline, deux français à New-York
New-York, au début des années 30, pour les débarqués de l'Ancien monde, est l'exotisme absolu avec ses lignes verticales à l'infini et son immensité. Le choc est le premier contact, et deux artistes majeurs, parmi d'autres, sont sous l'emprise de cette nouvelle métropolis.
Fernard Léger débarque en touriste de luxe, peintre déjà
de renom, Céline comme statisticien pour une improbable mission de
l'Unesco (il n'a rien publié), ou quasi immigrant selon la version qu'il
donnera plus tard (1932) dans le Voyage au bout de la nuit. Et si le premier trouve la figuration in vivo
de ce que son art (au cinéma aussi bien qu'en peinture), le second est
un explorateur vierge. Mais la réaction est identique, comme elle le
sera plus tard pour Sartre et Nougaro.
« Ils ont tout pour eux ces gens-là — leur architecture est faite pour briller et faire valoir ses angles durs — S'il fait gris c'est la prison. Figurez-vous ces rues droites sans un arbre. Si la lumière ne vient pas là-dedans, c'est la prison et la démence » (Léger)
L'émerveillement
de cinéma et de grandiose laisse peu à peu la place à une sorte de
malaise, comme si l'on évolue dans un monde où l'on sent confusément
qu'il n'est pas fait à notre mesure. Si bien que, las des alignements
rectilignes de fenêtres à l'identique aux façades des immeubles plus
hauts et impossibles les uns que les autres, Céline cherche le réconfort
dans le souvenir des concierges de Paris. Moins épatant, mais plus
humain...
Céline vient ici pour l'exemple de l'universalité des
vues de Léger, car à son parfait opposé politique et artistique.
D'autres subissent le même choc et le même revirement. L'impression que
laisse New-York à chacun ne dépend pas de l'homme... mais ce très court
et brillant essai en donne à lire tout l'éclat.
Loïc Di Stefano
Isabelle Monod-Fontaine, Léger, Céline, deux français à New-York, Les Éditions de l'Épure, coll. "Essais sur l'art et la création", 2005, 43 pages, 8 euros
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