Porcs épiques

                   

Marin ou non, chacun vit dans un porc. Cela n’a rien épique mais ne manque pas de piquant. Le poète Louis Savary (fils de boucher) et Simon Baudhuin (végétalien toujours très vert) le prouvent jusque par la couleur de leur superbe livre. Le rose du cochon nous y affecte. Sur ce papier qui rappelle les boucheries-charcuteries de naguère les créateurs ramènent l’homme la bête qui le hante et dans laquelle il demeure tapi. Nulle question d’en faire le deuil : il convient à l’inverse d’en provoquer la renaissance. Nos galeries intérieures, nos plis du cœur, nos déchirures de l’âme, notre paquet de nerfs sont des réserves de viande et de suint. Si bien que le cochon opère la coagulation de nos fantômes plus que le permettent nos fantasmes. Hors son groin point de salut. Il convient d'entrer dans son épaisseur où nous nous débattons non sans ambiguïté et hérésie. Et ce pour une raison majeure : l’âme n’est soluble que dans le lard et ses  millions de lombrics. L’être qui refuse de le reconnaître reste seul et prépare sa faim. Préférons donc l’impureté de l'auge à la caserne de notre prétendue pureté.  Passons de l'abîme de l’idéal au paroxysme bestial.


Jean-Paul Gavard-Perret


Louis Savary et Simon Baudhuin, « Haro sur la bête », L’âne qui butine éditions, Mouscron, Belgique, 240  E.



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