Savary tueur à gags

Craignant de pécher par orgueil Louis Savary se traite sans complaisance : « J'ai eu beaucoup de mal à éliminer en moi le singe savant » écrit-il à tord. Car ce singe en lui a toujours cultivé « le chant du signe ». Et aujourd’hui plus que jamais. Opus après opus l’œuvre du poète belge s’assombrit même si l’ironie veille en bonne conseillère. Plus question de s’éparpiller ou de rentrer dans sa coquille.
Sans pour autant cultiver l’émoi haïssable envers ce "je", l'auteur avance à tombeau ouvert tandis que ses mots s’allongent sur des plages où ils demeurent toujours parcimonieux et incisifs. On ne sait si comme il le souhaite Savary nous écrira de là-bas "où mes mots se traceront dans la poussière ".

Nous serons sans doute plus là pour le savoir. Mais il existe de fortes probabilités pour que l’œuvre perdure. « Raté » partiellement par la critique du temps Savary reste  un indépendant :  les clans et leurs complaisants laudateurs l’ont biffé de leur tablette : le poète ne pouvait rien leur apporter. Néanmoins son oeuvre trouvera peu à peu sa place.  Et c’est une misère de l'époque que de voir la critique plus complaisante et concupiscente que jamais : moins il y a d’os à ronger plus les chiens veillent.  

Savary n’en a cure. Il  préfère vendre son âme «à la luxure de ses nuits » et passer son temps « à ramasser les sourires que les gens avaient laissé tomber ». Pour le commun des prétendus immortels c’est peu. Mais pour l’adepte des détours, pour le passager clandestin il n’existe pas de plus belle ligne de conduite. 
Son livre est là pour le prouver. Le "je" ne tue que l’"il" de l’indifférence : celui du neutre dont tant d’hommes se contentent.

 

Jean-Paul Gavard-Perret

 

Louis Savary, Je tue il, éditions les Presses Littéraires, 2014, 104 p.-, 15 €

 

 

 

Aucun commentaire pour ce contenu.