Un mot tout jeune encore !

Dans une encore récente chronique, celle-là billet d’humeur en bonne et due forme, j’évoquais Les disparus du Larousse.
Je veux aujourd’hui donner la parole et rendre grâce au poète Lucienne Desnoues qui, elle – page 11 de l’avant-propos de son Anthologie personnelle parue chez Actes Sud en 1998 –, nous entretient d’un mot encore tout jeune, écrit-elle : passéisme !                              
Cela car elle nous confie en redouter quelque peu les foudres concernant ce qu'elle estime être certaines vertus majeures, sinon cardinales, de sa propre poésie.
Foudres dont elle se défend de façon offensive, élargissant même le sujet jusqu’au social et au métaphysique, qu'on en juge : Le mot passéisme est tout jeune. Il n’apparaît qu’en 1974 chez Larousse, parmi Les Nouveaux Mots dans le vent. Le surgissement de ce substantif ironique et bardé d’interdits ne provient-il pas de la brutalité du tournant que vient de prendre l’histoire des hommes ?

Mais n’est-ce pas une façon d’être de son temps  que de le regarder, ce temps, droit dans les yeux en enfreignant ses impératifs ? Et de célébrer, selon des recettes ancestrales, le silence, la lenteur, les eaux pures, les altitudes de l’amour et des vertus humaines, la saveur des us et coutumes… ? Et résignée à notre impuissance devant le mystère métaphysique, de faire sentir que l’éternel rayonne sous le quotidien, et que le geste le plus familier appartient au mouvement universel et s’auréole de sacré ?

Dans ce même recueil, page 37, se trouve La rigueur, magistral poème autobiographique s'appuyant par puissante analogie verticale sur l’un des plus courants des travaux ménagers : le repassage. Or, initialement paru en 58 dans La fraîche, ce même poème s’y intitule fidèlement, directement, et alors sans complexe… Le repassage.
Alors comment ne pas penser que c’est sans doute sur demande insistante, peut-être même sur directe injonction de l’éditeur trouvant Le repassage trop populo et passéiste à son goût, qu’eut lieu son regrettable escamotage ? Sans quoi, après ce que nous venons de lire d'elle de si bien affirmé, pour qu'elle autre raison Lucienne aurait-elle opéré d'elle-même un tel revirement d'intitulé ?
En tout cas, parce que totalement à contre-courant de sa sensibilité profonde et de ses convictions d’écrivain, cet inopiné changement de titre d'une édition à une autre plus récente ne lui ressemble en rien ; mais parfaitement, par contre, à l'une des fréquentes interventions le plus souvent présomptueuses – et en le cas hélas inopportune – d'un directeur de comité de lecture et de ses ouailles toutes bien dévouées.

Aussi, voici donc bien – ma main au fer ! – Le repassage de Lucienne-le-poète et non pas La rigueur d'on ne sait pas qui.

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