Desnoues-Colette : deux qui s'admirent et s'encouragent

Le bouquet composé de lettres, poèmes, cartes postales et billets échangés, le tout ensemble publié, en 2001, dans l'annuel bulletin de la Société des Amis de Colette, suffit à en témoigner : l'admiration et l'attachement est bien réciproque entre les deux femmes écrivains ; leur différence d'âge, et même de génération, constituant, pour sûr, un solide atome crochu de plus entre elles deux : 
Quel bonheur que vous soyez réellement, fatalement un grand poète, mon enfant ! Vos vers sont toujours beaux, ils le resteront, écrit Colette à Lucienne dans les toutes premières lignes de sa lettre en retour du 12 septembre 51.
Toute la suite sur le même ton : Chaque fois que vous pourrez m'en envoyer quelques-uns faites-le. Songez qu'ils jonchent un lit que je ne quitte plus, où je souffre très fort, et qu'ils me sont une grande joie, une fierté.
Sachez que je ne laisse pas passer deux mois sans relire vos poèmes. Ma fille (c'est une joie) connaît vos feuillets entre mes mains, elle dit
Donne... Elle a du goût et un petit magasin d'antiquités. Elle relira désormais Le mal des ormes. Jusqu'à présent, nous n'étions que deux, mon mari et moi, à nous ressasser vos poèmes les plus anciens.
Ô soyez un ménage heureux ! Rien ne saurait m'être plus agréable.

Charrois est toujours à ma main, comme on dit chez nous.
Je lui joins les Ormes bleu-nuit, sourcils d'orage et je vous salue, grand poète, autant que l'on peut saluer quand on est horizontal. Écrivez-moi quand vous pourrez, je vous embrasse. Est-ce que je mets votre adresse comme il faut ?

Et la belle dédicace que, de sa belle écriture ronde, Lucienne appose sur la page de titre de l'exemplaire de Racines, son second recueil publié qu'elle adresse aussitôt à Colette, rend compte elle aussi de la qualité et de la solidité de ces liens avec force ; faisant état, non pas d'un seul, mais de deux registres connexes dans celui de leur relation : tendresse accolée à l'admiration, n'y faisant qu'une en vérité.

La suite finale de la dédicace y est déclaration – poétique à souhait – de profonde gratitude envers l'œuvre reconnue spirituellement nourricière de son aînée.
Plus tard, en 1966, parlant alors d’elle-même sans le vouloir ni même s'en douter, Lucienne affirmera encore dans le même sens et sans aucun compromis de sa part :
Contrairement à cette avant-garde qui ne se veut la fille de personne et fait avec ingratitude débuter la poésie ou la peinture à ses propres travaux, j’aime surprendre chez les grands artistes les traces de l’hérédité.

André Lombard

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