"Le calice du dragon", la voie du sang selon Lucius Shepard

Une rencontre improbable


Lucius Shepard est un météorite de la science-fiction américaine, une des révélations des années 80 (rappelons qu’il est l’auteur du superbe La vie en temps de guerre et que son recueil Le chasseur de jaguar reçut le prix locus en 1988). Après une éclipse assez longue, il est revenu au premier plan dans les années 2000. Le calice du dragon, qui sort en France en exclusivité mondiale, se rattache à un cycle que l’auteur a entamé en 1984, celui du dragon Griaule - dont un recueil est paru aux éditions Le Bélial’ en 2011. Griaule a été victime d’un enchantement qui l’a pétrifié à jamais. Pour autant, il reste actif, influence les hommes - qui ont bâti des villes au pied de sa carcasse, par le biais de sa magie - jusque dans leurs rêves. De par ses œuvres antérieures, essentiellement dans le domaine de la science-fiction, on imagine mal à la base cet auteur dans de la Fantasy, mais force est de reconnaître que le cycle de Griaule, mystérieux, onirique, venimeux, reste du pur Shepard et d’une tenue littéraire impeccable, plein d’images poétiques.

 

Trafic de sang et magie noire


Quelque part en Amérique du sud… Richard Rosacher est un jeune médecin ambitieux et candide, originaire de la ville de Teocinte, construite contre le flanc du dragon. Par hasard, il découvre les propriétés hallucinogènes du sang du dragon Griaule, bien plus puissant que les psychotropes traditionnels. Rosacher monte donc son affaire et devient prospère. Mais il est victime d’un phénomène étrange : il a de grosses absences, comme si un autre prenait sa place pendant des années, même s’il se rappelle de tout. Il conclut un pacte avec le conseil de la ville de Teocinte dirigé par Brèque (oui, oui : hommage au traducteur) et même avec l’église (qui condamne l’utilisation du sang de ce démon de Griaule). Devenu trafiquant reconnu, homme d’affaires redouté, Rosacher est pourtant un instrument entre les mains du dragon, dont les voies lui restent impénétrables. A travers le récit de ses aventures, où chaque fois il doit commettre un acte qui assoit de plus en plus l’influence du sang, Rosacher s’impose comme un précipité de la nature humaine. Il a choisi la lâcheté, regrette pourtant sa vie d’avant : ainsi, après une absence de plusieurs années, il tente de retrouver l’amour de Ludie, prostituée devenue son associée. Il ne peut hélas que constater qu’elle s’est définitivement éloignée de l’homme qu’il est devenu. Rosacher fuit parfois sa destinée, abandonne ses entreprises, se fait passer pour mort, mais il est marqué du sang et finit toujours par servir les buts du dragon. D’ailleurs, que cherche cette créature ? La puissance ou la vengeance sur l’humanité ? Ou sa propre mort ? Et qui prend la place de Rosacher lors de ses absences ?


Le calice du dragon est un véritable délice pour l’amateur, et l’auteur de ses lignes ne peut que le recommander. A quand une suite ?

 

Sylvain Bonnet

Lucius Shepard, Le calice du dragon, Le Bélial’ collection Kvasar, traduit de l’anglais (US) par Jean-Daniel Brèque, couverture et illustrations de Nicolas Fructus, Mai 2013, 272 pages, 20 €

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