"Le neveu d'Hitler" - Un roman et plus de Bob Martin

Bob Martin, créatif en publicité, s’est toujours passionné pour l’histoire de la seconde Guerre mondiale et c’est de cette passion qu’est né Le Neveu d’Hitler au bout de cinq ans de recherche, de lecture de centaines d’ouvrages spécialisés et du visionnage de milliers d’heures de documentaires. « Roman et plus », voilà comment l’auteur désigne lui-même le résultat de ce long travail, un résultat mitigé malgré une idée originale.

 

Le jeune August ressemble trait pour trait aux caricatures du juif propagées par les nazis mais heureusement il a de la chance : sa mère Paula est la sœur de l’homme le plus puissant d’Allemagne : Adolphe Hitler, chancelier du Troisième Reich. Son statut de neveu du Führer lui procure un certain nombre d’avantages comme d’échapper aux Jeunesses Hitlériennes et ne pas servir dans l’armée sur le front russe. Décidé à profiter de ce statut, le jeune August se rend à Berlin pour travailler dans le restaurant de son autre oncle, Aloïs, demi-frère du Führer. Mais suite à un concours de circonstances, August est arrêté et ne peut prouver son identité : il va alors faire l’expérience de l’effroyable machine mise en place par les nazis pour se débarrasser des Juifs. Torturé par la Gestapo, envoyé à Auschwitz et assigné à un sonderkommando, August découvre ce qui se cache derrière la propagande nazie : la « solution finale » et une réalité inimaginable.

 

 L’idée de départ est originale : Le neveu d’Hitler, l’enfer en héritage n’est pas un roman ou plutôt n’est pas qu’un roman. C’est un « roman et plus » selon l’aveu de l’auteur. En effet, Bob Martin explique dans l’avant propos que ce livre est l’occasion de vivre une histoire, celle du personnage fictif d’August Hitler, et d’en apprendre un peu plus sur la Seconde Guerre mondiale et le sort des juifs durant cette période. Sur le fond, cela implique des recherches poussées sur cette période et on se heurte ici à un premier problème. S’il est évident que l’auteur s’est livré à un travail minutieux, on ne retrouve pas à la fin de ce roman de bibliographie, même succincte, permettant aux lecteurs d’aller plus loin sur la personnalité d’Hitler (1) par exemple. Cependant les gros plans que l’on retrouve à la fin de chaque chapitre permettent aux néophytes de découvrir Himmler, la Gestapo en encore l’organisation du camp d’Auschwitz. Ces pages grises sont le point fort de ce « roman ».

 

Ceci dit la partie fiction est beaucoup moins réussie : l’écriture tout d’abord est saccadée et rend la lecture pénible à certains moments. Les phrases sont courtes et s’enchaînent parfois sans verbe. Il s’agit pour l’auteur de montrer le chaos, la douleur ressenti par August lors de son interrogatoire par la Gestapo ou encore lors du transport vers Auschwitz mais ces passages sont si longs qu’ils en deviennent indigestes et le procédé perd tout son effet. Par ailleurs, les dialogues sont construits de telle manière qu’ils apparaissent comme servant de prétexte à l’apport d’explications historiques et sont peu crédibles. Ainsi Erich, SS jusqu’au bout des bottes, dévoile tous les détails de la stratégie militaire et politique d’Himmler à son « ami d’enfance » August qui vient de passer plusieurs semaines dans un sonderkommando. Peu réaliste, ce dialogue permet juste d’informer le lecteur de l’avancée de l’armée russe et des oppositions au sein du parti nazi face à la défaite annoncée de l’armée allemande. L’évasion d’Auschwitz est limite crédible de même que les pérégrinations d’August par la suite : peut-on imaginer des dirigeants soviétiques ayant mis la main sur le neveu d’Hitler, en informant obligatoirement Staline, envoyer ce dernier en France et le remettre aux mains de ceux qui sont en passe de devenir leurs ennemis plutôt que de le garder sous la main ? On aurait plutôt imaginé un aller sans retour pour un goulag. L’histoire d’August se termine également en quenouille : sans la dévoiler, elle donne l’impression que l’auteur ne savait pas comment achever son récit et se débarrasser de son héro.

 

L’idée de Bob Martin était originale et aurait pu déboucher sur un roman historique d’une très grande qualité ce qui n’est pas toujours le cas. Si on ne peut lui renier sa qualité historique, la partie roman laisse à désirer car elle est trop au service des zooms historiques de l’auteur, qui a force de trop en faire, nuit à son propre projet.

 

Julie Lecanu

 

 Bob Martin, L’enfer en héritage : le neveu d’Hitler, MA-éditions, octobre 2013, 414 pages, 19,90 euros.

 

 

1)      On peut se référer à l’œuvre de Ian Kershaw en ce qui concerne la biographie d’Hitler ou encore la querelle entre les intentionnalistes et les fonctionnalistes au sujet de la Solution finale. La Fin. L’Allemagne 1944-1945 publié en 2012 revient sur les dernières heures du IIIe Reich et sur son fonctionnement.

 

6 commentaires

anonymous

"peut-on imaginer des dirigeants soviétiques ayant mis la main sur le neveu d’Hitler, en informant obligatoirement Staline, envoyer ce dernier en France et le remettre aux mains de ceux qui sont en passe de devenir leurs ennemis plutôt que de le garder sous la main ? "


Vous n'avez pas du lire avec attention car à un aucun moment l'identité d'August est révélée aux Russes. . . 

anonymous n'a fait que lire la critique et pas le livre, heureusement qu'il y a des gens sérieux qui confirment qu'à aucun moment l'identité d'August a été révélée aux Russes. Merci pour cette remarque pertinente

l'auteur du Neveu d'Hitler

Vous avez raison, après vérification, malgré ma lecture attentive, l'identité d'August n'a pas été révélée. J'avoue avoir été un peu perdu dans la lecture de votre roman et avoir eu du mal à le terminer... Ceci étant rectifié, je m'interroge : vous dîtes qu' anonyme " n'a fait que lire la critique et pas le livre" par quel miracle a-t-il pu se rendre compte alors de mon erreur sans lire le livre....ce serait impossible, s'il n'était l'auteur lui-même!........

Du bon ET du moins bon... ET trop de PHOTES d'HORTAUGRAF !!!

HELLO BOB

c 'est nelly! top que tu aies sorti ce livre, fais moi signe. 
bravo 
bizzz nelly.

ahu

Il y a un sacré foutu travail de recherche dans ce roman historique. C'est incroyable comme un livre peut provoquer des sentiments contraires: l'envie incontrôlable d'aller au bout du bout de chaque chapitre tellement l'intrigue est prenante et les dialogues hypers vivants. Puis l'envie épidermique de le jeter à l'autre bout de la pièce tellement l'enfer décrit des trains de la mort ou des camps de concentration  est à gerber. Et pourtant cela a été la réalité. Il y avait longtemps que je n'avais pas été pris par un bouquin comme celui là.

Merci à l'auteur. Je l'ai recommandé à plein d'amis.
Votre prochain travail c'est quoi?
PS pour Nicoelo: les fautes c'est toujours la faute de l'éditeur. Pas de l'auteur !