Marc Lambron, Tu n'as pas tellement changé : La douleur incandescente d'un frère

Ce livre brûlant   est resté presque vingt ans dans un tiroir. L'auteur qui n'avait pas l'intention de le publier l'a fait après que Frigide Barjot ait dans son impudeur clamé l'amour qu'elle portait aux gays en général et à Philippe, le frère de Marc en particulier.

 

"De chaque saison qui commençait, il n'était pas certain de voir le terme". Ainsi parle l’écrivain de son cadet mort du sida en 1995 à 33 ans. Ce jeune homme brillant était "l'arbitre des élégances légères qui s'achèvent par les fiançailles des autres", "un garçon fasciné par le style Cocteau-Tanger-déco d'un homme de mode".

Quelqu'un qui en dix minutes a perdu trente ans de vie à l’annonce de la maladie.


Philippe, c'était le jeune frère tant aimé qui en quelques mois allait vivre toute une vie sous le signe de la condamnation. Dans les années 90, le sida n'offrait aucune chance et tout le monde le savait. Les uns tentaient de vivre comme si de rien n'était mais en pure perte, la maladie  était là en creux, dans l'histoire des deux frères qui se retrouvaient après les études, la prime jeunesse mais déjà trop tard.

 

L'écrivain s'agace de la futilité ambiante face aux abimes de désespoir et de douleur où se trouve l'autre, devenu par la force de cette souffrance son aîné. Cherche à le suivre en vain dans un "surplomb de sagesse désespérée" mais reste spectateur. Sa culpabilité de vivre fait écho à la rage de son frère qui se jette à corps perdu dans le travail, les voyages avant que la mort annoncée ne le stoppe en plein élan.

 

Le texte de Marc Lambron écrit juste après la mort de Philippe n'a rien perdu de sa force de requiem. Chaque phrase est un monde à elle seule, reliée directement au chagrin le plus extrême.  Bouleversant, incandescent, ce livre très court transporte le  lecteur dans les  prémices de l'éternité.


Brigit Bontour

 

Marc Lambron, Tu n’as pas tellement changé, Grasset, janvier 2014, 144 pages, 15 €


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