Le Cheval d'orgueil, le regard d'un enfant sur sa belle Bretagne en pleine mutation

Coincé entre une Bretagne traditionnelle et éternelle et une République qui lentement modifie les structures culturelles de cette région particulière (notamment par la force des hussards de l'école laïque), le grand folkloriste Per-Jakez Hélias (1914-1995) marque l'histoire de la Bretagne du début du XXe siècle par son témoignage particulièrement poignant et d'une très grande valeur ethnologique. Déjà adapté au cinéma par Pierre Chabrol en 1980, voici que Le Cheval d'orgueil, paru initialement en 1975 chez Plon dans la collection "Terres humaines", devient une bande-dessinée très inspirée par le talent conjugué de Bertrand Galic et Marc Lizano.

Adaptant plus l'esprit que la lettre de cet immense succès de librairie traduit en dix-huit langues et vendu à plus de deux millions d'exemplaires du vivant de l'auteur, (d'où la précaution éditoriale du "librement adapté...), Galic et  Lizano se focalisent sur la partie biographique du récit, comme le fit d'ailleurs Chabrol, tout en parvenant à peindre une campagne bretonne minée par la famine juste avant la Première guerre mondiale, et encore pleine de ses riches traditions folkloriques. De 1913 à 1936, du mariage des parents de l'auteur à l'avènement du tourisme de masse par le fait du Front populaire, c'est le regard touchant d'un enfant sur ce monde paradoxal qui est le sien (comme toujours enclavé dans son passé, sa langue, ses usages et ses lois dans une France qui évolue grand pas) et qui pose comme fondamental le rapport entre un homme et son terroir (au sens noble du terme).

Quarante ans après la publication du texte majeur de Per-Jakez Hélias, cet hommage est l'occasion de redécouvrir ce texte profondément humaniste dans une adaptation qui réalise l'exploit de moderniser la langue et d'apporter une structure narrative qui était pour ainsi dire absente de l'original, et sans le dénaturer. Un très gros travail d'écriture et un dessin qui hésite (avec bonheur) entre le grave et le léger, marquant par son esthétique propre, le tout dans un beau bistre, permet ce bel équilibre qui fait tout entier le ravissement du lecteur.



Loïc Di Stefano

Bertrand Galic et Marc Lizano, Le Cheval d'orgueil, librement adapté du récit autobiographique éponyme de Per-Jakez Hélias, Soleil, "Noctambule", 136 pages, décembre 2015, 17,95 eur

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