Les imbrications amicales de Proust

Ces lettres nous fournissent une nouvelle clef sur Proust - l'homme et l'œuvre. Horace Finaly – un des amis premiers de l'auteur – est considéré comme l'un des plus grands banquiers de l’entre-deux guerres. Issu d’une famille de juifs hongrois, il fut le très brillant condisciple et ami de Proust à Condorcet. Il devint directeur de ce qui est devenu aujourd'hui la BNP-Paribas.
Leur correspondance renseigne sur les épisodes des vacances de Proust chez les Finaly à Ostende et à Trouville. Celui-ci devint très vite un ami de la famille. Il fréquente autant Horace que sa sœur Mary, dont il aime les yeux baudelairiens, sa mère Jenny, son grand-oncle Horace de Landau. Dans ces lettres de vieillesse il se plaît à évoquer cette époque en écho à sa formule :Rien du passé n’est perdu pour moi.
Nous apprenons aussi qu’ils se sont rendus par le bateau en Angleterre : on ignorait tout de cette excursion burlesque jusqu’à la découverte de la lettre qui la raconte : "C’est pourtant la seule chose qui me permettrait de dire à mes lecteurs anglais que je suis allé une fois “en Angleterre” si je répondais jamais à leurs lettres, écrit Proust.
Les lettres de Robert Proust à Horace qui complètent cette correspondance sont également intéressantes : elles révèlent l’affection que se portaient les deux frères, la fidélité du banquier à la mémoire de l’écrivain, après sa mort, puisqu’il va jusqu’à mobiliser le préfet de la Seine et le sous-secrétaire d’État aux Beaux-arts pour qu’une artère de Paris soit baptisée du nom de Marcel Proust.
Mais le plus piquant reste l’histoire d’Henri Rochat. Elle occupe la majeure partie de cette correspondance. Proust avait demandé à Finaly de l’aider à éloigner, à l’autre bout du monde, ce secrétaire et amant dont il s’était lassé. Se découvre la difficulté de l’entreprise et des négociations qui finissent par aboutir à l’exil d’Henri Rochat dans une succursale brésilienne de la Banque franco-italienne.
La correspondance devient alors touffue, pleine de circonlocutions, de réticences et de justifications proustiques (selon l'adjectif  créé par Proust lui-même dans l’une de ces lettres). Les réponses de Finaly à Proust, qui montrent que le grand banquier ne dédaignait pas de s’occuper des petites affaires au contraire : preuve d'une fidélité entre les deux hommes que le temps et les occupations avaient portant éloignés.

Jean-Paul Gavard-Perret

Marcel Proust, Lettres à Horace Finaly, édition de Thierry Laget, avant-propos de Jacques Letertre, Gallimard, juin 2022, 132 p.-, 16€

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