Marie-Laure Dagoit et les poupons de Bellmer

                   

 


Demeure toujours une louve en Marie-Laure Dagoit selon une scène ou figure «mythique» réitérée. Elle n’y marchande pas la cendre de sperme et la pâleur des sentiments. Les hommes - toujours hors-champ - tournent autour d’elle comme des hyènes. Mais elle les dissèque en les prenant par la bande pour faire résonner le bol vide d’amour. La posture qui fait de la victime consentante une prédatrice la met au rang de l’humanité selon certains femmes. Mais l’acte protège l’accordeuse de plaisir. Elle dépayse, désempare un homme-hochet. Moyen pour l’auteure de  déshabiller la culture, de malmener de petite mort où dans un sordide revendiqué  la beauté prend tout son sens.

 

Car s’il existe dans l’écriture de Marie-Laure Dagoit une apparente vocation masochiste la recherche du merveilleux la jouxte et la transforme. Post surréaliste et donnant la vraie parole aux héroïnes sadiennes celle qui joue les ardentes églantines dans le moment du flux de sperme-gélatine s’amuse à « Sucer et vider les couilles fugitives / Sucer seule dans l’ombre / Faire grandir les queues pour soi-même ». Le plaisir chez la narratrice est autant masculin que féminin. Il déplace les idées reçues et jusqu’aux giclées de la littérature de genre. Certes l’artiste feint d’en suivre les règles : « Ces queues en moi dans ma salive / C’est là leur bonheur pas le mien /Le bonheur qui nous est commun ».  Mais la feinte d’obscénité décale rôles et mises.

 



Les rites qui peuvent paraître excessifs sont réduits à un chant faussement emphatique où l’écrivaine mène le jeu - bien plus que les Leonora Carrington ou Meret Oppenheim le firent. Il est vrai que les temps ont changé. Le phallus s’il contient le parfum trouble d’une jacinthe blanche est exfolié sans que l’homme ait son mot à dire : « Le foutre je le garde dans les dents » écrit la narratrice. Mais il ne signifie rien : « Ne me regardez pas dedans » note celle qui veut paraître  « salope » mais chez laquelle la dimension du corps et de l’amour touche à une métaphore fort éloignée du matérialisme froid mais sans grâce d’une Catherine Millet.

 

A l’inverse avec Marie-Laure Dagoit la revanche du féminin s’inscrit  dans un univers épuré. En l’espace bunkérisé de la bouche four à phallus celui-ci n’est que bouture de nuit. L’artiste en joue. Il s’agit là d’une figure de « style » et de fantasme. Elle atteint par ce jeu l’intime du lecteur qu’elle presse à sa guise. L’habituelle dissolution de la littérature qui fait des douceurs déraille vers la profondeur paradoxale. Les mots ouvrent les prémices de l’anonymat le plus crasse d’un masculin réduit à un poupon de belle mère. Et de Bellmer le si bien nommé.

 

 

Jean-Paul Gavard-Perret


Marie-Laure Dagoit, « Ardente Nuvem & Ce que je ne dis à personne », 10 €,  « Il faut soutenir le front haut, les injures et les bravades », 10 €, Editions Derrière laSalle de Bains, Rouen, 2014..

 

 

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