"Neanderthal, une autre humanité"

Il y a quelque chose d’insurmontable à la curiosité quant à la quête des origines. Le désir de repousser la mort peut-être. De temps en temps, les larmes de l’existence, par nature inquiètes, tentent de s’apaiser à la sécheresse des scientifiques. Désert indispensable pour n’être pas noyé dans les émotions. Fichu équilibre !

La Préhistoire, un carrefour de sciences

Voici une somme sur l’Homme de  Néanderthal rédigé par Marylène Patou- Mathis, spécialiste  au Museum national d’histoire naturelle, donc à Paris  (ouf, un repère !)… Au-delà des « peut-être » qui sont  le fil conducteur du livre, que voit-on ? Les astucieuses déductions à partir d’éléments pourtant ténus, la mobilisation du ban et de l’arrière-ban de toutes sortes de sciences, étude de la pierre, du bois, des pollens, des os, c’est remarquable.

Néanderthal, un homme ?

Tout commence par les premières découvertes du XIXe siècle et un long débat s’engage sur l’humanité ou non de l’homme de Néanderthal. Cette dernière ne fait plus de doute quand on découvre qu’il inhume ses morts dans des sépultures. 

Portrait-robot

Puis l’auteur nous guide sur l’étude de la flore, de la faune et du climat contemporains de notre héros, on se prend à songer à ce campement de chasseurs installé sur le chemin des bisons, à… Beauvais ! Elle s’attache à nous montrer ses différences. Néanderthal pèse autour de 80 kilos, 70 pour les femmes, sa taille est de 1,65 mètre, treize centimètres de moins pour sa compagne. Ses os, ses dents sont plus épais que les nôtres et de là il a des capacités physiques bien supérieures. Son visage est projeté en avant et il a un gros bourrelet subfrontal. Il est adulte vers quinze et meurt le plus souvent entre seize et trente-cinq ans. Aucune femme ne dépasse cet âge mais on trouve quelques hommes de plus de quarante ans. Il a des notions de pharmacopée, dispose de techniques remarquables pour le bois, la pierre… Il sait utiliser la lignite pour se chauffer ! On retrouve des grottes aménagées par des cloisons, des huttes… Néanderthal étant chasseur et cueilleur, il se déplace sur des centaines de kilomètres quand c’est nécessaire. Bref, l’auteur nous démontre magistralement l’intelligence et l’évolutivité de cet homme disparu mystérieusement. Elle nous brosse aussi un portrait de la « société », hélas empêtré dans les peut-être, essayant de s’appuyer sur les sociétés restées primitives dans le monde ; Néanderthal par le puisque sa société est trop complexe pour qu’il en soit autrement et l’évolution de son crâne l’atteste d’après ce que l’on sait aujourd’hui sur le cerveau… Mais il disait quoi ? On ne le saura jamais et c’est très frustrant. On apprend que Néanderthal prend soin de ses faibles (blessés, vieux, handicapés), qu’il est parfois cannibale mais sans qu’on sache si c’est religieux ou alimentaire, on déduit aussi des croyances dans le surnaturel sans avoir de certitude sur le sens des symboles…

Pourquoi a-t-il disparu ?

Marylène Patou-Mathis nous expose les théories qui s’affrontent pour expliquer Néanderthal. Celle du polycentrisme ou du monocentrisme pour expliquer l’homme moderne. L’homme vient-il d’Afrique et se serait séparé en plusieurs branches par la suite ou est-il apparu en plusieurs lieux ? Le monocentrisme semble avoir sa préférence. Néanderthal a-t-il un ADN différent du nôtre ? Serait-il notre ancêtre ? A-t-il  été absorbé par l’homo sapiens ? Après des centaines de milliers d’existence, il disparaît vers moins trente mille. Il a coexisté avec nos ancêtres mais pourquoi s’est-il éteint alors qu’il des atouts que nos ancêtres n’ont pas. Reproduction insuffisante sans doute…

Un livre sobrement écrit, un peu ardu car il faut une solide culture dans le domaine pour en saisir toute la « substentifique moëlle ». Intéressant et astucieux.

Didier Paineau

Marylène Patou-Mathis, Neanderthal, une autre humanité, Perrin, « Tempus », octobre 2008, notes, annexes, bibliographie, 371 pages, 9,50 € 
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