Mathias Lair : Tabula Rasa

Il est des essais scandaleusement passés sous silence. Celui de Lair en fait partie. En quatre textes il propose un point lumineux sur l'état des lieux de la littérature et de l'art. Il montre combien leur paysage à la fois se transforme par les nouveaux médias et leurs règles sans lois et comment on se trompe parfois sur la puissance de feu d'une mythologie postmoderne. En particulier dans "De la transgression considérée comme un des beaux arts", il prouve que ce concept n'est qu'une feinte. On le prend pour une iconoclastie il n'est qu'un sous produit de l'art libéral. Qu'est-ce en effet que la transgression lorsqu'elle devient une prescription officielle ? Mathias Lair a l'intelligence de remplacer ce concept faussement sacrificiel par celui d'
"aplatissement" puisque au lieu de viser à s'opposer à une loi l'art tend à son effacement. Œuvre et non œuvre, art et vie, privé et public tout est écrasé. Et sous prétexte d'offrir des "excitations transgressives" une pulsion macabre fait feu de tout bois (forcément morts).

 

De tels textes interrogent le sens des images et de la littérature. Ils montrent comment se noient sa péremption au  profit d'un vide au nom d'une complaisante fascination généralisée car reliée par toute une idéologie rampante. La pensée  s’y envole ou plutôt s'y englue dans un présent "mythologique" : un présent sans présent. La transgression est devenue une arme dérisoire. Elle sépare du monde dans des lieux où le sujet s'égare par manque de lui-même (la fin de l'auteur et de ses droits) ou par trop de sur-moi paranoïaque (à la Christine Angot). L'art et la littérature sous prétexte de présence absolue de ses plantes grimpantes n'offrent donc que des chiendents. Les seconds asphyxient les premières. Demeure des paroles ou des images bien lénifiantes sous couvert de "porno-graphie". Robbe-Grillet l'avait déjà compris : au firmaman des images du genre il proposa dans ses films leur révolution scénique, leur dimension de risque. On les a occultés.

 

Jean-Paul Gavard-Perret


Mathias Lair, Ecrire sans sujet, coll. Trait Court, Passage d'Encres, 2012, 5 €

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