Mathias Lair : Mère la mort

                   


 

 

La phrase de Molloy de Beckett  « Pour vous livrer le fond de mon effroi l’image de ma mère »  est une bonne introduction au superbe livre de Mathias Lair. Sans doute le meilleur de l’auteur. Il ose enfin comme libéré jusqu’aux dernières mèches de mots face à l'affect innommable et l'enfer ouvert par celle qui fit tout pour ne pas l’avoir -sauf bien sûr le nécessaire non sans que l’engeance n’en paye les conséquences. L’auteur trouve soudain dans « la chambre morte » sa propre résurrection face à celle qui « est née mourante, mourut tant de fois et pourtant toujours là » dans - entre autres - ses chantages au suicide.

 

Mathias Lair offre un prototype classique de la Jocaste dévorante et terrorisante fruit d’un narcissisme maternel inconscient qui laisse le narrateur  (si l’on veut prendre ce texte pour une fiction) plus mort que vivant. Ce texte n’est pourtant en rien un règlement de compte : ce serait là  courir le risque d’une résurrection de celle qui a enfin fait le vide en oblitérant l’articulation de la mort dans la vie pour que surgisse enfin la vie dans la mort. Fait - mais non engendré - celui qui restait à l'état de fantôme dont le souffle possédait l'odeur des cendres sent la vie brûler par delà la souffrance qui n’avait plus de nom mais qui se fondait depuis l'origine, autour de la fomenteuse d’une passion ambiguë. Sa disparition permet de reprendre voix  pour celui qui devient enfin  ce qu’il est  dégagé du non et du nom de la première des femmes.

 

Jean-Paul Gavard-Perret


Mathias Lair, « La Chambre morte », Editions Lanskine, coll. Format libre, 112 p., 10 E.

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