Mathieu Riboulet : l’ici et l’ailleurs

Le court texte de Riboulet  engouffre en une forme de vertige spatio-temporel. Tout ce qui est proposé semble quasiment expérimental mais existentiel selon une figuration très particulière et en une suite de « lieux » dont la logique est cassée.
Preuve que dans sa vie et dans sa littérature Riboulet comme Dracula, ressuscite toujours en divers cycles sur le thème récurrent du lieu. Il le travaille parfois jusqu’à épuisement selon une ascèse tauromachique où mise à mort et mise en vie, apparition et disparition font partie ici du livre. 

L’espace est réinventé comme dans un besoin de changement perpétuel qui ouvre les champs de la création. L’engagement esthétique se module en un véritable engagement physique non  seulement théorique mais parfois politique dans  une espèce de rigueur imposée, un défi que l’artiste est une des rares à tenir.

Ce texte est l’expression, l’observation, la contemplation à la fois d’une résistance, d’une souffrance, d’une progression. C’est un acte visuel vivant et prodigieux, il vibre du corps céleste en révolution ou errance.
S’ouvrent des brèches en saignées. L’invisible ou l’improbable offre sa substance à fleur de peau. L’être joue, se tord et varie entre résignation et révolte. Le tout en  sublime arabesque, l’être s’y couche ou s’y élève sur un ciel plombé.

Les mouvements s’embrassent et se repoussent, les déterminations s’aliènent et s’opposent en un chaos étrangement harmonieux. Une nécessité supérieure poursuit sa lutte perpétuelle, paradoxale contre la nécessité organique dans une lutte face aux limbes du néant.

L’œuvre n’appartient ni au jour ni à la nuit, ni à l’ailleurs ou au ici  mais entre-deux mondes. Le corps  se tend, mu par des forces invisibles, irrésistibles, qui l’habitent. Elles l’exhortent  moins à la violente jouissance qu’au décisif combat pour la vie.
Le "moi"  flotte dans l’éther, où le temps et l’espace s’affrontent, se confondent et où le texte fait s’entendre la suprême pesée de l’impondérable.

 

Jean-Paul Gavard-Perret

Mathieu Riboulet, Nous campons sur les rives, Verdier, mai 2018, 40 p.-, 3 euros

 

Aucun commentaire pour ce contenu.