Et si Max Jacob s’était réincarné dans les Poèmes de Morven le Gaélique ?

Un lit si vous ne pouvez pas lui donner,
prêtez-lui une femme pour accoucher,
car son ventre est aussi haut que sa figure.
(« Noël », extrait)
La poésie de Morven est d’abord une poésie habitée : Max Jacob laisse transpirer ses certitudes canoniques qui, depuis l’apparition dont il prétend avoir été témoin, inspirent une grande partie de son œuvre. Construits en monologues, dialogues ou chansons, les vers tiennent à conserver néanmoins l’origine humaine, cette voix qui parle au fond de lui et s’incarne par sa plume. Ainsi, le rythme façonne le débit, la césure des phrases, l’état d’esprit et les fortes images des Cornouailles… Sans en avoir l’air, Max Jacob peint une poésie proche des sonnets du XVIe siècle !
Vos anges gardiens pleurent sur les rochers
Tant de la terre que de la mer.
Bretons, et les gendarmes de l’Enfer
se moquent d’eux
quand les autres verraient ce que j’ai vu
ils ne se convertiraient pas vers les cieux.
(« Les diables en Bretagnes », extrait)
Il y a du François Villon dans l’inconscient de Max Jacob, une forme de gaîté triste qui rappelle combien il souffrait du manque de reconnaissance, et riait vert de suivre les louanges portées à Morven quand Jacob était ignoré… Finalement reparti à Saint-Benoît dans une fataliste attente de la mort que la Seconde guerre mondiale lui servira dix ans plus tard, bien trop tôt, d’une vilaine manière, il écrit face à la mer, sur une table jonchée de lettres, de cendres et de couleurs. Il écrit : n’est-ce pas là son seul plaisir ?
François Xavier
Max Jacob, Poèmes de Morven le Gaélique, préface de Julien Lanoë, Poésie/Gallimard n°247, mars 2015, 192 p. – 7,10 €
0 commentaire