Giancarlo de Catalado, "Les traîtres" : triple jeu à l'italienne

Les grands romans d’espionnage, mêlant intrigue amoureuse sur fonds d’événements historiques de première importance, ne sont pas légion, raison de plus pour ne pas passer à côté de celui-ci. Il y a dans ce feu d’artifice toute la truculence de la Méditerranée, la morgue de l’Angleterre victorienne, la folie de la sorcellerie, le panache de l’aventure, le soufre des trahisons amoureuses ; bref, c’est un cocktail fort pimenté. Nous sommes à la veille de la réunification de l’Italie, Garibaldi n’a pas encore frappé mais un certain Mazzini, fin politicien et grand conspirateur, lève des fonds et arme des bandes de gueux qui font le coup de poing, contre les Autrichiens, les Bourbons, les états pontificaux, etc.

Mais la vielle botte ne se lustre pas dans le même sens, et selon les régions, les Sociétés naissantes (Camorra, Cosa nostra, etc.) et les habitants : l’accueil n’en sera que plus ou moins chaleureux... voire totalement opposé à toute forme de changement. Car l’histoire italienne fut pleine de rebondissements avant l’entrée victorieuse dans Rome : émeutes milanaises, les Mille et l’Aspromonte, etc.


On suivra Lorenzo, baron vénitien répudié, obligé de faire l’espion pour les forces occupantes (l’Autriche), qui, à force de jouer double puis triple jeu, se prend parfois les pieds dans le tissage des alliances internationales qui se font et se défont à grande vitesse. Sans parler de ses amours... Le vieux lord Chatam qui pratique toutes sortes de jeux dépravés. Striga, une jeune femme muette d’une grande beauté et douée d’un sens inné pour les chiffres (sauvée de justesse du bûcher). Lady Violet, richissime anglaise qui est prête à renier son monde pour soutenir aussi bien les suffragettes que la révolution. Toutes deux, également tiraillées par leurs sentiments.

Et toute un panel de personnages, réels ou fictifs, si bien dépeints et mis en scène que l’on se laisse porter par ce vacarme de l’époque, allant de Palerme à Londres et aller-retour, sans le moindre doute.

Et tous se trahissent à tour de rôle, pour sauver sa peau, avoir une femme, une rente, ouvrir un commerce...

 

Cela rappelle Le Quinconce (chef-d’œuvre absolu de la peinture de la société britannique du début du XIXe) tant la narration trépidante et le souci du détail, les intonations des dialogues (parfois en dialecte) permettent de traverser ses 600 pages d’un souffle d’un seul, tant les détails sont marquants, la cruauté poignante, l’amour éternel, le désir inassouvi...

 

Giancarlo De Cataldo sait y faire et il connaît bien le « milieu ». Magistrat dans une vie, célèbre écrivain de roman noir dans une autre, il est aussi une grande signature de la presse et un homme de télévision apprécié.

Il est l’auteur de Romanzo criminale, La Saison des massacres, Le Père et l’étranger et La Forme de la peur (coécrit avec Mimmo Rafele). 

 

La fin du XIXe siècle fut, en Italie aussi, une époque électrique où les progrès industriels se superposaient aux traditions, à la pauvreté des campagnes, aux desseins politiques que Marx avait fait naître.

Un joyeux bazar qui nous est conté avec panache !


François Xavier


Giancarlo de Catalado, Les traîtres, traduit de l’italien par Serge Quadruppani, coll. "Bibliothèque italienne", Métailié, février 2012, 600 p.- 24,00 €

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