Michel Audiard, en toutes lettres

Grand spécialiste du cinéma populaire et, notamment, d'Audiard, déjà auteur de plusieurs ouvrages dont le Petit Audiard illustré, Philippe Durant nous propose un bel abécédaire d'Audiard, dont on pensait tout connaître mais que l'on découvre dans les moindres détails, aux travers de récits puisés dans la longue fréquentation de l’auteur avec son dialoguiste de cœur et des archives inédites. L’anecdote est reine dans chaque ouvrage de Philippe Durant, c’est un peu sa marque de fabrique, ici elle sert à découvrir un Audiard intime. En effet, des entrées comme Religion, Pudeur, Politique permettent de passer au-delà de la figure du grand dialoguiste amis des acteurs, des bonnes tables, des bonnes parties de rigolade… en mettant en avant des éléments de l’intimité plutôt que ces images classiques qu’on a de lui.

 

Une centaine d'entrées, d'Acteur à Volfoni, de Barbouzes à Henri Verneuil, l'abécédaire déploie un casting de rêve : Jean Gabin, Lino Ventura, Bernard Blier, Jean Carmet ou André Pousse. Les plus grandes stars du cinéma français sont là et pour rappeler combien Audiard a accompagné de sa plume les plus grands. Bien sûr, on attend le couplet sur les Tontons flingueurs, sur Louis-Ferdinand Céline, sur l’argot de ses films, cette langue qu’il a inventé pour faire parler ses personnages, ses amis, ses amours, ses emmerdes. Et nous ne sommes pas déçu ! C’est un très grand portrait d’Audiard qui se dresse, un puzzle biographique

 

Mais les entrées sans doute les plus intéressantes sont celles qui sont en négatif. Ce qu’Audiard a oublié, mal aimé, préféré taire. Sa face cachée. C’est par ce biais qu’il se dévoile plus nettement. Par exemple, les homosexuels, qui ne sont pas absents de son cinéma, n’y ont qu’une part très négative, ils n’existent pas en soi mais ne sont qu’une version avilie de l’homme. L’exemple le plus frappant est celui de Théo, le responsable de la distillerie clandestine dans les Tontons flingueurs (joué par Horst Frank), qui cumule les tares d’être allemand, sans doute ancien gestapiste, veule et homo. Ça fait beaucoup ! Quant aux cons, ils ont leur place de choix dans la filmographie du maître, comme les taxis, la cigarette, le vélo, le XIVe arrondissement de Paris, les prostituées... toutes ces choses qui définissent cet homme si discret et peu bavard de lui-même — comble d'un dialoguiste qui savait avant tout écouter le monde et s'en inspirer.

 

On regrettera peut-être qu’un volume de ce grand format n’a aucune illustration, même pour agrémenter le texte. Prérogatives de l’éditeur sans doute… 

 

 

Loïc Di Stefano

 

Philippe Durant, Audiard en toutes lettres, Le Cherche Midi, "Documents", novembre 2013, 296 pages, filmographie complète, 19,50 eur

 

NB : Philippe Durant collabore aux pages cinéma du Salon littéraire.

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