Le "vrai genre" selon Michel Foucault

En décryptant et analysant le témoignage de l’un des tout premiers transgenre reconnu, et qui se donna la mort en 1868, Michel Foucault invente le débat qui ronge désormais notre société contemporaine. Les gender studies importées des USA tentent de renverser la table. Partant d’une bonne intention, voilà que la cause est dévoyée : réunion interdite aux hommes, revendications ridicules, interdiction de tel ou tel film ou livre…
Mais revenons au principal. Cette étrange histoire du vraie sexe est avant tout un document. Quoique l’on puisse en penser. L’hermaphrodisme existe. Et des êtres humains sont contraints de vivre dans un corps qui n’est pas sexué selon leur ressenti. Voici une sorte de journal. Des souvenirs laissés par un individu confronté à la rudesse d’une justice du XIXe siècle qui imposait au sujet de se définir. Quelle identité sexuelle ? Question à un million de dollars.

Élevée comme une fille, Herculine s’avèrera être… un garçon. Un vrai garçon. Avec les attributs physiques. Et l’obligation de changer de sexe à l’état-civil. Avec toutes les contraintes que l’on imagine.
Rééditer cet ouvrage s’impose aujourd’hui afin de remettre un peu les choses dans le bon ordre. L’identité ne découle pas obligatoirement de soi. Les interrogations sont légions. Légitimes. Entendables, enfin.

Et le point fort de ce document réside dans le fait que Alexina l’a écrit après sa découverte. Une fois qu’elle était un garçon. Il apparaît évident que ce n’est pas du point de vue de ce sexe enfin (re)trouvé qu’elle s’exprime. Ce n’est pas l’homme qui parle enfin, essayant de se rappeler ses sensations et sa vie du temps qu’il n’était pas encore lui-même. Quand Alexina rédige ses mémoires, elle n’est pas très loin de son suicide. Elle est toujours écartelée entre deux hypothèses. Il n’y pas de sexe certain. Et en plus elle souffre de la privation de ces délices qu’elle éprouvait à n’en pas avoir. Ou à n’avoir pas tout à fait le même que celles au milieu desquelles elle vivait. Et qu’elle aimait. Et qu’elle désirait si fort…

La plupart du temps, ceux qui racontent leur changement de sexe appartiennent à un monde fortement bisexuel. Rien ici de tel. L’intensité monosexuelle de la vie religieuse et scolaire sert de révélateur aux tendres plaisirs que découvre et provoque la non-identité sexuelle. D’autant plus quand elle s’égare au milieu de tous ces corps semblables.
Et cette quête d’identité ressort, ici, d’une identité double – plutôt que de non-identité. Le critère médical est bien obligé de voir l’hermaphrodite. C’est-à-dire, in fine, ni mâle ni femelle mais un être à la fois masculin et féminin. Herculine Barbin se révèle donc bien être, en terme de genre sinon de sexe, un véritable hermaphrodite.

 

Annabelle Hautecontre

 

Michel Foucault, Herculine Barbin dite Alexina B., préface de l’auteur, postface d’Éric Fassin, coll. Tel, Gallimard, avril 2021, 260 p.-, 11,50 €

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