"Les infortunes de la Belle au bois dormant" - quand la reine du roman fantastique s'essaye à la littérature érotique.

Anne Rice fait partie des écrivains les plus célèbres et les plus lus du XXème siècle notamment grâce à ses Chroniques des vampires et surtout grâce à Entretien avec un vampire dont l’adaptation cinématographique avec Tom Cruise et Brad Pitt hante encore les rêves des jeunes filles que nous étions. Merci Anne, ne serait-ce que pour cela. Mais ce succès fait oublier qu’Anne Rice a aussi écrit une série érotique au début des années 80, Les infortunes de la belle au bois dormant qui vient d’être rééditée aux éditions Michel Lafont. Un bon calcul éditorial au moment où  Cinquante nuances de Grey est un succès en librairie.

 

            Comme l’indique le titre, le point de départ de cette histoire est le conte la Belle au bois dormant, conte qui va être détourné pour donner une histoire érotique sadomasochiste. La Belle, sous le coup d’un maléfice, a été plongée dans un long sommeil. Mais point de chaste baiser pour la réveiller mais une initiation à la chair du Prince pour rompre l’enchantement. Réveillée ainsi que l’ensemble du château, la Belle n’a d’autres choix que de suivre le Prince dans son royaume pour y servir d’esclave sexuelle. Une initiation que ses parents ont d’ailleurs également connue. Commence alors un voyage dans un monde de luxe et luxure où la Belle devra assouvir les pires fantasmes de la Reine et de sa cour. Une expérience où elle va découvrir comment la douleur et le plaisir peuvent s’entremêler et durant laquelle elle va découvrir l’amour. Un amour qui va la plonger encore plus loin dans les joies et les affres de la souffrance.

 

            L’idée est intéressante : détourner un conte, l’érotiser et pourquoi pas permettre à cette frêle princesse de prendre son destin en main au bout du compte. Tout commence plutôt bien : la perte de sa virginité qui brise l’enchantement, l’initiation obligatoire au château du Prince pour tous les princes et princesses des environs et le voyage jusqu’au château qui ne manque pas de piquants. Mais très vite, les châtiments, les humiliations deviennent répétitifs et l’on finit par s’ennuyer ferme entre deux fessées. Panpan culcul fefesse et beaucoup d’interrogations de la Belle pour savoir comment elle va supporter l’humiliation, la douleur.

 

            L’évolution de la Belle et de son ressenti est plus intéressant : il s’agit d’abord pour elle de supporter l’humiliation d’être exhibée totalement nue au regard des autres avant qu’elle ne se rende compte que ces regards sont remplis d’admiration pour sa beauté. Puis, il s’agit de la découverte de la cour et des châtiments qui sont pratiqués contre le cheptel de princes et princesses : le sentier de la bride abattue, la salle des châtiments…Elle ne ressent au début que la douleur, puis peu à peu rencontre le plaisir. Sa rencontre avec le prince Alexis est déterminante et fait l’objet des parties les plus intéressantes de ce roman. Rebelle à ses débuts, le prince Alexis lui avoue adorer ceux qui le martyrisent. La relation que nouent ces deux personnages est proche de la relation amoureuse pourtant ce n’est pas de ce prince que la Belle va s’enticher mais du Prince Tristan, un rebelle qui refuse de céder et dont le destin va être terrible puisqu’il est envoyé au village pour y être vendu aux enchères et exploité par les paysans du cru. Un personnage qui arrive un peu comme un cheveu sur la soupe et dont, pour l’instant je n’ai pas compris l’intérêt.

 

            Le bilan est donc mitigé en ce qui concerne ce premier tome : l’idée de départ séduit de même que les premiers chapitres mais la lassitude nous gagne à la lecture de ces interminables fessées administrées à la moindre occasion. Le début excite l’imagination avant de stimuler l’ennui. Par ailleurs, et cela dépend du goût de chacun, le côté SM n’est pas forcément excitant surtout quand le récit n’est placé que du côté masochiste. Une alternance entre point de vue du Prince et point de vue de la Belle aurait donné plus de relief au récit. Pour en savoir plus et connaître le destin de la Belle et de ses princes, il faudra lire le tome 2 qui promet encore son lot de fessées : Punition.

 

Julie Lecanu

 

Anne Rice, Les infortunes de la Belle au bois dormant, tome 1 : Initiation, traduit de l’anglais par Adrien Calmevent, Michel Lafont, novembre 2012, 319 pages, 15, 95 euros.


3 commentaires

Je me souviens d'une Anne Rice plus sensuelle que SM dans le cycle de lestat mais bon les gens changent...

c'est une réédition, les 3 tomes étaient déjà publiés il y a bien 15 ans...non ? Mais il s'agit de surfer sur la vague de 50 Nuances, oui...


Effectivement comme je le dis en introduction la première édition date du début des années 1980, 1983 pour être exact.  Anne Rice est allée très loin dans ses fantasmes et pour être honnête je n'ai pas trouvé ça excitant mais ennuyant.  Dans la chronique des vampires la sensualité était bien distillée et liée à la violence de certains personnages, l'atmosphère était plus complexe et donc plus excitante. Mieux vaut rester sur cette série que sur celle des infortunes de la Belle....