Michel Marmin et Laurent Palet : Chronique de la correspondance

Sumer, il y a 5000 ans : l’écriture est « inventée pour permettre de dialoguer à distance ». Quel succès cette révolution rencontrera au fil des siècles ! Que l’on s’adresse, à l’instar de Pétrarque, à des personnages célèbres décédés ou que l’on endosse les habits d’une nonne portugaise le temps d’un roman épistolaire, que l’on se révèle dans un billet doux ou que l’on maile une liste au Père Noël, l’on voit à quel point la lettre est intrinsèquement liée à l’homme, dans l’Histoire et son histoire. D’ailleurs, qui n’a rêvé d’entretenir des correspondances enflammées dignes de Balzac et Madame de Hanska, ou incisives comme celles de Flaubert ? Ou, plus simplement, qui n’a trépigné d’impatience et guetté des matinées entières la venue du facteur ? Michel Marmin et Laurent Palet répondent à ces questions et à une kyrielle d’autres dans leur Chronique de la correspondance.

 

La magie de cet ouvrage réside dans la cohérence indéniable qu’il tire de son éclatement même. L’on y est baladé à travers les époques, les civilisations (chinoises, arabes, etc.), les domaines (littéraire, théâtral, scientifique, musical, etc.) ; l’on y est projeté dans le fourmillement le plus anecdotique et le plus pertinent, sans pour la cause perdre pied à aucun moment. En effet, le travail est rigoureux et adopte un canevas sans faille. Ainsi, chaque période abordée débute-t-elle par une recontextualisation (salutaire !) qui offre la possibilité au lecteur de savourer pleinement le foisonnement de renseignements auxquels il sera confronté par la suite ; et elle se conclut par un « arrêt sur image » qui ouvre les horizons en traitant de sujets éclectiques, comme les écritoires, le courrier du cœur ou le Pony Express.

 

Le savant dosage de vulgarisation et d’érudition fait la force et la qualité de l’opus. Le néophyte est submergé, mais jamais noyé, d’éléments tous azimuts, tandis que le public averti est comblé par cette synthèse impressionnante où il pêchera encore bien des trouvailles. Y sont expliqués, en vrac : la technique de la confection des rouleaux de papyrus, le métier de scribe, les avatars de l’épître, la fabrication du papier, le mode de communication entre les monastères au Moyen Âge, le système des lettres d’indulgences ou de noblesse, l’utilisation de la plume, l’avènement des premières machines à écrire, etc.

 

« La belle histoire du courrier » nous est ici admirablement contée. Ce sont assurément des entreprises d’une telle tenue qui confortent les passions et en déclenchent de nouvelles… Il ne faut pas lire cette somme d’une traite, plutôt en picorer les informations, en s’imbibant de la richesse du texte et en contemplant ses illustrations. Car le plaisir des yeux est sans cesse titillé à l’extrême grâce à de magnifiques reproductions : quelques mots de Richard Cœur de Lion, une incantation d’une mère Égyptienne à son fils mort gravée sur un bol en terre cuite, une plaidoirie de Voltaire en faveur de Calas, la trahison de Charlotte Corday à Marat, une bafouille sanglante de Jack l’Éventreur, un télégramme émis du Titanic, une attaque de Vian contre le Président. Autant de missives de courroux, d’amour, d’adieu, de menace, de contestation ; de corbeau, de fan, de poilu… dont la (re)découverte nous ravit.

 

Moins périssable qu’un bouquet de fleurs, mais autrement plus nourrissant qu’un paquet de bonbons, ce magistral livre-cadeau est à mettre entre toutes les mains !

 

Samia Hammami

 

Michel Marmin et Laurent Palet, Chronique de la correspondance, éditions Chronique, Dargaud, collection Chroniques Thématiques, octobre 2006, 240 pages, 31 €

 

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