Grandeur et déchéance de l'inventeur

Dans une époque où l’on a tendance à inventer l’eau chaude et/ou à s’approprier les découvertes d’autrui, de préférence celles d’une femme – n’est-ce pas messieurs Lejeune et Duchamp  ? – il est toujours bon de remettre les pendules à l’heure. Ainsi en va-t-il désormais pour Augustin Mouchot, l’authentique père, le découvreur – l’inventeur, comme l’on dit de celui qui entre le premier dans une grotte préhistorique – de l’énergie solaire domestiquée par l’Homme.
Une aventure extraordinaire portée à bout de bras, au sens premier comme figuratif, par un petit homme que rien ne prédestinait à la gloire, sauf des concours de circonstance, une inépuisable force, une curiosité infinie et une volonté de fer. Naît chétif dans une famille pauvre, ses premières années seront passées dans le retrait du quotidien, sans doute une façon d’expliquer cette force mentale qui le conduira toute sa vie. Faute de courir les champs, ce seront les livres et avec eux les nombres, puis l’observation de la nature qui mèneront ce fils de serrurier sur les bancs de l’école puis à l’Académie des sciences. 
Présenté à Napoléon III, fierté de l’Exposition universelle, sa machine à produire de la vapeur, donc à permettre à un moteur de tourner, seulement grâce au soleil, remporta un franc succès mais les aléas de la météo, l’arrivée du charbon, les lobbies – déjà – puissants et un associé indélicat, feront trop d’obstacles à surmonter sans parler d’une santé fragile et d’une aventure algérienne qui aura raison de sa vue… Tel Icare, Mouchot se brûlera en partie les yeux à force de jouer à cache-cache avec le soleil et ses miroirs. Trahi, fatigué, oublié, il terminera ses jours rue de Dantzig dans une masure insalubre.
Porté par une pétillante nonchalance, ce récit parvient à demeurer léger et joyeux de bout en bout malgré les retours de bâtons dont la vie garde le secret ; un style alerte qui aimante la lecture et fait tourner les pages une à une, tant ce destin inouï semble irréel. Grandeur et déchéance au pays des Lumières. 

François Xavier

Miguel Bonnefoy, L'inventeur, Rivages, août 2022, 208 p.-, 19,50€

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