Notre-Dame des Vents de Mikaël Hirsch

Partir. Thème récurrent chez Mikaël Hirsch. Partir va beaucoup plus loin que voyager. On peut voyager sur place – c'est sans doute le propre du voyage. Partir sur place ? L'installation dans la folie. On part toujours ailleurs. Près ou loin. Hirsch a un faible pour les lointains.

Avec Jules Verne et Edgar Poe comme amers, Hirsch raconte l'histoire d'une jeune scientifique en mission aux îles Kerguelen : elle doit prélever des plantes et mesurer leur progression ou leur régression pour en déduire des hypothèses sur les modifications du climat. Mais ça, c'est un prétexte, fil courant pour ne pas s'égarer. Autre prétexte : que s'est-il passé aux Kerguelen pendant la période de la guerre froide ? Et que sait donc Alexis, le taciturne ingénieur ? Sans doute trop.

D'emblée, le lecteur apprend qu'Alexis est mort et Joanne l'apprend par un courrier officiel du 10 Février 1996...


Notre-Dame des Vents est une histoire d'amour. Un amour en éclair. Pas un coup de foudre. Un éclair et un départ. Eclair du départ. Départ d'un éclair :

Ainsi p 106 :

« Ils se déshabillèrent à la va-vite. Joanne, se battant par intermittence avec une fermeture Éclair, ne montra aucune pudeur au cours de ce processus d'effeuillage solitaire. Au contraire, elle sembla éprouver un certain plaisir à dégrafer son soutien-gorge, puis à le faire glisser sur sa poitrine avec une lenteur excessive. Plusieurs fois, il fit mine de l'aider afin d'accélérer le mouvement, mais elle le repoussa avec une fermeté qu'il ne lui connaissait pas encore. Elle voulait qu'il la regardât. Il observa la cambrure de son dos, l'évasement de ses hanches dans le clair-obscur de la grotte. Elle souriait, sûre d'elle. Au contraire, lui se sentait vaguement ridicule, inactif. Il aurait simplement voulu qu'elle se donnât. Lorsqu'elle se colla contre lui, il sentit un fourmillement lui envahir le bout des doigts et son cœur battre à toute allure. Il était proche du malaise quand elle s'agenouilla devant lui. »


Quand on part vraiment, on ne revient que très rarement. Parfois, on ne revient jamais. Alexis part pour de bon. Au propre, au figuré, à tout ce qu'on voudra. Joanne part sur les traces d'Alexis. Elle y laissera plus d'une plume, jusqu'au duvet. Les éléments naturels, tempêtes et vents ne deviennent dès lors que la chambre d'écho d'un amour fulgurant et d'une quête initiatique dont le terme est nécessairement la mort.

L'art, l'amour, la mort. Ces trois thèmes indispensables à la littérature selon Michel Leiris sont ici bien présents. Avec une différence : l'art cède le pas à l'esprit scientifique. N'empêche : On lira le beau finale (aux points de vue démultipliés) avec en tête les images lentes des films de Tarkovski. Pause.

Enfin, on se demandera quelle pourrait être la suite de la vie de Joanne. Quel départ ? Le Marion Dufresne (navire scientifique navette entre la Réunion et les Kerguelen) seul le sait.


Mais une nef ne parle pas : elle part et vous emporte. Ainsi Notre-Dame des Vents.


Didier Bazy


Mikaël Hirsch, Notre-Dame des VentsEd. Intervalles, 2014, 19 €, 180p

Aucun commentaire pour ce contenu.