Saphonette, la Sarah de Pauline Delabroy-Allard

Ce premier roman fait objection à ce qu’on nomme fiction française et ce dans l’arrivée d’une femme "conquérante et victorieuse" dans la vie de la narratrice. Seule publication de la rentrée des Editions de Minuit, ce livre pose la question de l’amour lesbien (et de l’amour en général) dans un style incisif  dont l’objectif est de barrer une certaine fonctionnalité de la prose tout en proposant le décalage de ce qui se nomme récit.

La femme dans un mi-dire avance entre souffle et épuisement. Le maniérisme n’est pas absent mais il cultive un certain "pas tout" même si des tics reviennent et peuvent légitimement agacer.
Néanmoins une force est là. Et l’auteur évoque un "tombeau lesbien" (car l’histoire finit mal) où à la fois  tout se voit parfois de manière attendue mais où l’essentiel ne se dit pas forcément.
La  question du langage se trouve engagée au sein même de ses dépôts voire de ses scories – et intentionnellement.

L’inconscient jaillit à partir d’un dit au sein d’informations parfois superfétatoires et faussement analysantes là où la paresse n’est parfois qu’apparente mais où parfois elle semble un peu  trop flagrante. Il y a là autant de  grain à moudre que du travail afin qu’une écrivaine en herbe mais importante prouve tout son talent.
Les effets de résonance et le frayage fictionnel manquent encore de maturité mais, oui,  une auteure est née et celle-ci habite le langage.

 

Jean-Paul Gavard-Perret

 

Pauline Delabroy-Allard, Ça raconte Sarah, Editions de Minuit, septembre, 2018, 192 p. - 15.00 €

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