Jean-Baptiste Poquelin, dit Molière (1622-1673), auteur de comédies qui sont la peinture de son époque, acteur et directeur de troupe. Biographie de Molière.

Les Femmes savantes de Molière : Résumé


Résumé : Les Femmes savantes de Molière (1672)

 

Philaminte, femme du bonhomme Chrysale, Bélise, sa sœur et Armande, l’ainée de ses mies, sont les femmes savantes de cette comédie. Philaminte, femme impérieuse et acariâtre, toute entière aux spéculations scientifiques, néglige les soins du ménage et ne s’occupe de ses domestiques que pour leur enseigner les lois de la physique ou les règles de la grammaire ; elle exerce sur son faible et ignorant mari un pouvoir despotique qu’il avoue lui-même et qu’il n’a pas le courage de secouer. Malgré lui, on a chassé la bonne servante Martine parce qu’elle outrageait trop souvent les oreilles de ses maîtresses. Bélise est une folle romanesque. Armande ne conçoit pas qu’une femme puisse tolérer l’erreur si commune qu’on appelle mariage et elle détourne sa sœur Henriette de ce « vulgaire dessein ».

 

À côté de ces trois pédantes, Molière a placé le poète Trissotin et le savant Vadius, qui sont les types du pédantisme chez les hommes. Ils se rencontrent dans le salon de Philaminte et après s’être fait mutuellement des éloges exagérés sur leur talent et leur esprit, Vadius s’avise de critiquer un sonnet dont il ne savait pas que Trissotin était l’auteur ; de cette méprise nait entre les deux beaux esprits une querelle aussi ridicule que la scène de flatterie qui l’avait précédée.

 

Si Trissotin éprouve un grand charme à recevoir des compliments, il ne se contente pas cependant de ces jouissances immatérielles. Il aspire à la dot d’Henriette, fille de Philaminte et sœur d’Armande. La seconde fille de Chrysale a pu échapper à la contagion du pédantisme : elle est aussi sensée que sa mère, sa sœur et sa tante sont extravagantes ; et comme les doctes entretiens ne sont pas de son goût, elle est médiocrement sensible à l’honneur d’épouser M. Trissotin. D’ailleurs, du consentement de son père, elle a promis sa main à Clitandre, homme de bonne compagnie et de bon sens qui ne se gêne pas pour railler les ridicules de la famille et dit à Trissotin : « Qu’un sot savant est sot plus qu’un sot ignorant. »

 

Henriette n’a point caché à celui-ci sa préférence pour Clitandre, mais cet homme bel esprit ne se pique pas de délicatesse et, encouragé par Philaminte, il ne renoncera pas pour si peu à la dot qu’il convoite et que seule il recherche. Heureusement pour Henriette et pour Clitandre, Ariste, frère de Chrysale, s’interpose et vient seconder leurs projets par un stratagème. Il a deviné que Trissotin est plus épris de la fortune que de la beauté de sa nièce. Au moment où l’on va signer le contrat, il apporte une fâcheuse nouvelle : Chrysale est ruiné. Trissotin retire aussitôt sa parole et Philaminte, désabusée sur le désintéressement des philosophes, consent de bon cœur au mariage d’Henriette et de Clitandre. Le faible Chrysale attribue à sa fermeté cet heureux dénouement.

 

« Il était difficile, dit La Harpe, de remplir cinq actes avec un ridicule aussi mince et aussi facile à épuiser que celui de la prétention au bel esprit. Molière, qui l’avait déjà attaqué dans Les Précieuses, l’acheva dans Les Femmes savantes. Mais on fut d’abord si prévenu contre la sécheresse du sujet et si persuadé que l’auteur avait tort de s’obstiner à en tirer une pièce en cinq actes, que cette prévention, qui aurait dû ajouter à la surprise et à l’admiration, s’y refusa d’abord, et balança le plaisir que faisait l’ouvrage, et le succès qu’il devait avoir. L’histoire du Misanthrope se renouvela pour un autre chef-d’œuvre, et ce fut encore le temps qui fit justice. On s’aperçut de toutes les ressources que Molière avait tirées de son génie pour enrichir l’indigence de son sujet. Si, d’un côté, Philaminte, Armande et Bélise sont entichées du pédantisme que l’hôtel de Rambouillet avait introduit dans la littérature, de l’autre se présentent des contrastes multipliés sous différentes formes : la jeune Henriette, qui n’a que de l’esprit naturel et de la sensibilité ; la bonne Martine, cette grosse servante, la seule de toutes les domestiques que la maladie de l’esprit n’ait pas gagnée ; Clitandre, homme de bonne compagnie, homme de sens et d’esprit qui doit haïr les pédants et qui sait s’en moquer ; enfin, et par-dessus tout, cet excellent Chrysale, ce personnage tout comique et de caractère et de langage, qui a toujours raison, mais qui n’a jamais une volonté, qui parle d’or quand il retrace tous les ridicules de sa femme, mais qui n’ose en parler qu’en les appliquant à sa sœur, qui, après avoir mis la main d’Henriette dans celle de Clitandre, et juré de soutenir son choix, un moment après trouva tout simple de donner cette même Henriette à Trissotin et qui appelle cela un accommodement. Le dernier trait de ce rôle est celui qui peint le mieux cette faiblesse de caractère, de tous tes défauts le plus commun, et peut-être le plus dangereux. Quand Trissotin, trompé par la ruine supposée de Chrysale, se retire brusquement, et que Henriette, de l’aveu même de Philaminte, détrompée sur Trissotin, devient la récompense du généreux Clitandre, Chrysale, qui dans toute cette affaire n’est que spectateur, et n’a rien mis du sien, prend la main de son gendre, et lui montrant sa fille, s’écrie d’un air triomphant : “Je le savais bien, mot, que vous l’épouseriez” et dit au notaire du ton le plus absolu :

“Allons, Monsieur, suivez l’ordre que j’ai proscrit,

Et faites le contrat ainsi que je l’ai dit”

Que voilà bien l’homme faible, qui se croit fort quand il n’y a personne à combattre, et qui croit avoir une volonté quand il fait celle d’autrui ! Qu’il est adroit d’avoir donné ce défaut à un mari d’ailleurs beaucoup plus sensé que sa femme, mais qui perd, faute de caractère, tout l’avantage que lui donnerait sa raison ! Sa femme est une folle ridicule : elle commande. Il est fort raisonnable : il obéit.

Mais si Chrysale est comique quand il a tort, il ne l’est pas moins quand il a raison ; son instinct tout grossier s’exprime avec une bonhommie qui fait voir que l’ignorance sans prétention vaut cent fois mieux que la science sans le bon sens. Le pauvre homme ne met-il pas tout le monde de son parti quand il se plaint si pathétiquement qu’on lui ôte sa servante, parce qu’elle ne parle pas bien français ? »

 


[D’après Daniel Bonnefon. Les écrivains célèbres de la France, ou Histoire de la littérature française depuis l'origine de la langue jusqu'au XIXe siècle (7e éd.), 1895, Paris, Librairie Fischbacher.]

 

 

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