Jean-Baptiste Poquelin, dit Molière (1622-1673), auteur de comédies qui sont la peinture de son époque, acteur et directeur de troupe. Biographie de Molière.

Dom Juan au Français, une version dynamique mais discutable.

La scène est occupée par des éléments massifs de décor, imposant une atmosphère à la Chirico. Un Dom Juan impétueux vient occuper l’espace d’une geste ostentatoire et entraîner les acteurs dans son élan fougueux. Le metteur en scène joue sur le contraste entre la verve des acteurs et l’aspect solennel du décor. On semble sur l’échiquier d’une joute ; les mouvements des personnages peuvent à tout moment se brusquer, devenir esquives, fentes, défenses. Ce sont des dialogues à fleurets mouchetés ; le metteur en scène fait de la pièce un duel permanent. A l’acte II, le décor est comme une estampe japonaise en relief, comme surimprimée, qui détone avec les dialogues francs et peu distincts des bonnes gens. A l’acte III, on est plongé dans le climat devenu étrange d’arbres tête en bas. On a souvent tendance à surjouer avec toutefois une maîtrise salutaire, ce qui donne à la pièce une grande légèreté. Pourtant, des instants graves résultent de l’intervention du tonnerre. Le ciel menace.


Les jeux de scène sont alertes, dynamiques, le spectacle, qui montre un Dom Juan énergique, emporté, est bien mené. Dans le dernier acte, le décor rappelle celui du premier, mais rend mobile certains des gigantesques éléments. Le défilé des plaignants affronte la force de l’esprit alternativement souple ou inflexible.

© DELALANDE RAYMOND/SIPA

Mais la représentation s’essouffle à terme, d’abord parce que les monologues ne reçoivent pas le même traitement : faute d’une élaboration inventive, les tirades de Sganarelle et de Dom Juan ne reposent que sur le texte, certes de haute valeur, mais qui n’avait pas été présenté jusque là comme autosuffisant. Ensuite parce que la rivalité engagée avec la transcendance n’est pas explorée jusqu’à son terme. Dom Juan est joueur, mais le ciel apparaît sous la forme du commandeur presque clément. Certes des effets de lumière et de décor expriment la puissance à laquelle s’expose le libertin. Pourtant la condamnation n’apparaît pas effective ; en dépit de l’intention louable de ne pas apporter de règlement explicite à la grande affaire, on est amené à n’y voir qu’une fin sans ressort.


Christophe Giolito


Dom Juan ou le Festin de pierre

de Molière, mise en scène Jean-Pierre Vincent

Avec

Serge Bagdassarian (Sganarelle), Suliane Brahim (Elvire), Pierre Louis Calixte (Gusman, le Pauvre et M.Dimanche), Loïc Corbery (Don Juan), Jennifer Decker (Mathurine), Clément Hervieu-Léger (Don Carlos), Alain Lenglet (Don Louis), Jérémy Lopez (Pierrot et Don Alonse), Julie Sicard (Charlotte)

Et la Statue du commandeur : Jean-Michel Rucheton


Équipe artistique :
Assistante à la mise en scène : Frédérique Plain ; dramaturgie : Bernard Chartreux ; décor : Jean-Paul Chambas ; collaboratrice artistique au décor : Carole Metzner ; costumes : Patrice Cauchetier ; lumières : Alain Poisson ; son : Benjamin Furbacco ; maquillages : Suzanne Pisteur ; réglage des combats : Bernard Chabin.

Comédie française, site Richelieu, théâtre éphémère, du 18 septembre 2012 au 11 novembre 2012, durée du spectacle : 2h50 avec entracte.



Le texte de la pièce est édité dans de nombreuses éditions depuis 1665, par exemple dans l’édition Folio, 1999.




2 commentaires

Dommage que ça se termine le 11 novembre, j'aime beaucoup cette pièce dont j'ai vu une représentation  à Sarlat l'été 2011, par et avec  Francis Huster. Si  sa vision de Dom Juan m'avait plu, sa prestation à lui  un peu moins, mais j'aurais bien aimé  voir celle là


PCL

Pour ma part, l'ayant vu sur l'une des dernières représentations, je dois avouer avoir été déçu du caractère comique de la pièce.

Si les acteurs arrivent à nous entrainer par moment dans un univers drôle, ce n'est que grâce au texte - à mes yeux - qui révèle le génie de l'auteur. Mesguich avait, en 2004, mieux réussit à servir l'humour de Molière.
Mais le Français a, par contre, parfaitement servit le côté tragique de cette histoire avec une marche vers la chute des plus splendides ! Seul faux pas : la chute...

Ainsi donc, une comédie à regarder sous l'angle de la tragédie mais imposant de fermer et ses yeux et ses oreilles sur la dernière scène afin d'en conserver un souvenir parfait !