Jean-Baptiste Poquelin, dit Molière (1622-1673), auteur de comédies qui sont la peinture de son époque, acteur et directeur de troupe. Biographie de Molière.

Molière ou Corneille ? Telle est la question !

Dans ce sac ridicule où Scapin s’enveloppe / Je ne reconnais plus l’auteur du Misanthrope (Boileau). Difficile de contester la pertinence de ce constat. Guère de point commun, en apparence, entre l’auteur de La Jalousie du Barbouillé et celui de Dom Juan. Entre La farce et la comédie de mœurs, voire le drame métaphysique et la satire sociale. Un sujet de dissertation idéal pour les potaches – au temps lointain où la dissertation avait encore cours au lycée.

Depuis le siècle dernier, certains ont cru apporter la réponse à ce qui apparaît comme une contradiction ou même une impossibilité: il n’y a pas un seul auteur de pièces aussi diverses, mais deux, le second n’étant autre que Pierre Corneille lui-même. S’il s’est illustré dans la  tragédie, il a aussi pratiqué avec succès le genre comique, jusqu’à L’Illusion comique (1635). Cette pièce marque un tournant dans sa carrière, puisqu’après elle, aucune pièce comique  ne sera publiée sous son nom.
urait-il, pour autant, renoncé à la vis comica ? Nullement, selon Pierre Louys. En 1919, l’auteur d’Aphrodite lança l’idée qu’en réalité, les comédies signées Molière étaient écrites par Corneille, le premier se contentant de les mettre en scène et de les interpréter. Il en donnait pour preuve, entre autres, la différence de style et de ton soulignée par Boileau.

Une hypothèse vite muée en certitude. Elle fit son chemin jusqu’à nos jours. Ainsi Albert Paraz, l’ami de Céline, la défendait avec la passion qu’il mettait dans tous ses écrits. Comme, à l’heure actuelle, l’historien Franck  Ferrand, convaincu de la vraisemblance d’une telle assertion, fondée tant sur la linguistique que sur l’histoire. Il l’étaye d’un argument qui semble  imparable : quand le patron de l’Illustre Théâtre, constamment en tournée, aurait-il trouvé le temps d’écrire autant de chefs-d’œuvre incontestables, sans rapport avec les productions de ses débuts ?
De quoi susciter l’ire et l’indignation de Francis Huster, auteur du Dictionnaire amoureux de Molière (2021), lui-même comédien et  fervent admirateur de celui qu’il considère comme son maître et l’un des génies de notre littérature.

Alors ? Dévoilement de ce qui s’apparenterait à une supercherie littéraire perdurant depuis le XVIIème siècle ? À l’inverse, dénonciation d’une tentative de dénigrement, dans le droit fil d’une époque prônant la déconstruction et le déboulonnage des statues ? Bien malin qui pourrait en décider sans la moindre réserve.
Aux dernières nouvelles, toutefois, deux chercheurs du CNRS, s’appuyant, notamment, sur les  données statistiques les plus fines, auraient apporté la preuve, irréfutable cette fois, que Corneille n’était en rien impliqué dans l’œuvre de Molière et que ce dernier en était le seul auteur. Comment ne pas les croire ?
Ce sont des scientifiques et, par définition, les scientifiques ont toujours raison. Du moins jusqu’à la prochaine découverte qui viendra infirmer leur certitude.

Jacques Aboucaya

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