Un Glenn Gould peut en cacher un autre

Tout a été dit sur Glenn Gould, même le superflu : à preuve la funambulesque préface de Jacques Drillon à cette réédition bienvenue des entretiens téléphoniques (et non téléphonés) du pianiste canadien avec Jonathan Cott, journaliste à Rolling Stone, en 1974. Il y évoque ses adieux à la scène dix ans auparavant, l’interprétation de Bach et de Mozart, son goût des compositeurs décadents (Gibbons, Strauss), la supériorité de Petula Clark sur les Beatles et de Mendelssohn sur Moussorgski (en raison de son plus faible « coefficient d’imprévisibilité »), son goût de la solitude et sa haine des légumes, mais il n’est au fond question que d’une chose : la conception idéelle, voire « non musicale » que Gould se fait de la musique, ce qui n’interdit ni l’humour, ni l’excentricité, ni la provocation (« tout ce qu’il faut savoir pour jouer du piano s’apprend en une demi-heure »). Dans une introduction inédite, évoquant « l’illumination musicale, émotionnelle et spirituelle » que fut pour lui, à treize ans, l’écoute des Variations Goldberg enregistrées par Gould en 1955, Cott parle de sa « conception nietzschéenne de l’art ». On ne saurait mieux décrire les points de vue souvent déroutants, toujours brillants et stimulants d’un pianiste qui ne se croyait pas interprète.

 

Olivier Philipponnat

 

Glenn Gould, Entretiens avec Jonathan Cott, Les Belles Lettres, février 2012, 160 p., 13 €.

 

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