Natacha Lesueur et les impératrices

Solitaires les femmes de Natacha Lesueur rappellent la vie avant le jour et avant le langage. Il convient donc de parcourir leur plan, d'entrer dans l’épaisseur où le diable se débat avec un peu d’hérésie. Mais où aller vraiment en une telle aire de jeu à la circonférence devenue translucide ?

Ici les femmes  prouvent que la vie humaine sera donc toujours divisée en deux parties. La seconde grossièrement  identique à la première dans les plis d’espace et les bourrelets de temps. Il y a là parfois une bobine écrasée plus que sous-virée – et moins selon les principes freudiens que ceux de Chardin.

Les deux parties sont dans le même écart. Le retour de l’angle mort reste donc la seule géométrie valable. Si bien que si s'y croise, impératrice, une femme en espadrilles blanches entre la Guidecca et une souche brûlée, l‘espace reste une énigme. C'est une aporie, une lune en négatif de la mer en germination. Cochon qui s’en dédit. La phrase y disparaît, car dès le premier  matin s'il y a eut  beaucoup de temps, combien de clôtures pour si peu de réelles naissance ?  

Reste au mieux une perle blanche sur un cocon noir.  Il faut mieux dormir d'un autre jour. Ici est la séparation des êtres. Le soyeux et l'artificiel sont étouffés par tout ce qui t'étrangle. Longuement les fêlures, les regards. Rai de lumière, nappe cendrée des choses.  Tel demeure, ici, le silence. Instants du monde où le monde en un point singulier se cherche et se concentre.

Nous ne sommes rien, à personne, personne n'est rien ni au jour ni à la nuit. Aucune sentinelle ne peut y respirer. Un ange est passé dans la forêt où nous nous étions garé. Lieu seulement lieu.  Figures qui ne se portent bien que jointes. Leur chute fait son chemin dans le jeu des miroirs. Oui nous brûlons encore  mais de quel feu et de quel bois ?  
L’absence s’y conjugue, ouvre insidieusement, encense.

Exposition à la Villa Médicis du 13 octobre 2021 au 9 janvier 2022

 

Jean-Paul Gavard-Perret

Natacha Lesueur,  Comme un chien qui danse, éditions Walden n, Saint Victor sur Loire, octobre 2021

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