La planète pour objectif

Quelle que soit la page que l’on ouvre, les mots qui viennent à l’esprit sont étonnement, surprise, fascination, ou plutôt, surgissement, rupture, promesse, inattendu, harmonie, perspective, qui sont les mots des titres de certains des quinze chapitres de cette encyclopédie de la connaissance du monde. Une connaissance éblouie qui est à la fois une découverte pour le regard et la confirmation par celui-ci que notre univers est un ensemble merveilleux, une totalité ouverte à l’intelligence et la sagesse, à la démesure de ses forces, aux formes et aux « graphies » les plus insolites, aussi spontanées qu’artificielles. Captés par la photo, les phénomènes, les équilibres, les injustices, les générosités de notre planète, ses horreurs et ses splendeurs, sa logique et son absurdité apparaissent dans leur vérité. De l’immense théâtre de la nature à la fois libre et soumise à ses lois éternelles et éphémères, l’objectif retient la magie, la violence, l’instant unique, comme cette buée légère qui sort du gosier du faisan, un matin glacial en Angleterre, au moment même où il pousse son cri enroué. Voici des animaux saisis dans l’intimité et l’insouciance, comme ces saumons de Russie qui par centaines retournent vers leurs eaux natales pour se reproduire avant de mourir, ou ce nuage de criquets qui s’abat sur des enfants désemparés en Éthiopie. Voici la végétation qui croît et meure, comme dans cette forêt chinoise déclinant toute la gamme des verts, de la teinte olive au ton émeraude.

 

Entre faune et flore, l’homme a conquis sa place, parfois bien, parfois plus mal, prédateur et sauveur, exploiteur et protecteur. Le pilote de chasse qui franchit le mur du son avec son F18 lors d’un meeting aérien en Californie semble si proche et si loin de cet agriculteur du Bangladesh qui se courbe sur sa terre pauvre et sèche afin de donner un peu d’eau à sa future récolte que l’on s’interroge sur leurs relations avec le monde et leurs liens personnels avec lui. On regarde. On apprend que plus d’un milliard de volatiles vivent à un moment donné, que nous respirons en moyenne 25 000 fois par jour, que le jaune et l’or en chine représentent la richesse et la gloire céleste. L’intention n’est pas de tout dire, seulement signaler quelques faits qui se retiennent mieux raccordés à une réalité que les yeux mémorisent davantage.    

 

Voir revient à apprendre, la photo est un enseignement, un repère, un constat irréfutable et impartial. Si elle montre le visible dans sa permanence, elle traque dans sa vitesse ou sa discrétion l’invisible, elle dévoile le banal, elle affermit l’imagination dans son idée que si nous savons beaucoup, nous savons aussi peu de choses sur ces événements qui se déroulent, s’enchaînent, se multiplient, se croisent à chaque minute sur nos continents. Le talent de ces artistes est de redonner le goût de contempler, de comprendre, de relier. De la cérémonie de mariage à Shangaï à la « breakdance » exécutée par un caporal de marine dans un camp d’entraînement américain, toute la gamme infinie, jamais interrompue de la vie se déploie, selon deux lignes, celle de l’enchantement et celle de l’effroi. Un rayon de soleil qui passe par la coupole de saint Pierre de Rome au Vatican, les siphonophores de l’Arctique, l’explorateur qui s’arrête devant la majesté des cristaux d’une grotte au Mexique, la fête des bateaux-dragons, qu’est ce qui est le plus étrange, le plus émouvant ?

 

L’éventail est suffisamment large pour que chacun trouve des sources d’intérêt. Deux cent cinquante images, signées par les grands reporters de National Geographic, recréateurs de ces visions « premières », pour dénuder, expliquer, célébrer et « exalter la diversité et la somptuosité » de la vie sur notre planète ? Un ouvrage-spectacle.

 

Dominique Vergnon                                          

 

Susan Tyler Hitchcock, Photographies, National Geographic, 512 pages, 250 photos, 28,5x24 cm, novembre 2012, 39,90 euros

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