Made in USA : Nicolas Mauriac

Les textes fulgurants de Nicolas Mauriac proposent des voyages dans l’obscur. Ici à Los Angeles auprès d’un flic nommé Robert Mac Coy. Un Los Angeles nocturne : à Hollywood, pas très loin de son célèbre Boulevard - mais en retrait «  avec hurlements bleu électrique des gyrophares à l’angle de Yucca Street et de Television Boulevard. Hurlements électriques, bleus comme la peur qui s’affiche un peu partout en Calvin International Klein’s Blue ». La langue orphique parfois se transforme en cri sur l’écran blanc des nuits noires avant des instants d’aubes si improbables qu’ils seraient à réinventer dans un monde parallèle avec des corps moins poivrés. La quête semble absurde mais aucune nuit n’y échappe. Pour l’heure ne surgit que le chant des sirènes, « l’acier qui souffle le chaud et le froid. Juste au-dessus, un hélicoptère-mirador. Faisceau éblouissant braqué sur le suspect. Car c’est vrai qu’une fois la nuit tombée, il y a des quartiers comme ça où tout vous semble très vite suspect. »

 

Le flic le sait. Nicolas Mauriac pour décrire son parcours  ne cultive pas la naïveté qu’on accorde aux temps enfouis. La souffrance procède par touches magnétiques. Des portraits glissent, ne font que passer. Mc Coy les croise et son créateur retrouve une connivence avec des zombies, conjure leurs illusions comme leurs attirances. Los Angeles ressemble soudain et paradoxalement à des ruelles d’Ozu où miaulent d’impossibles chats. L’écriture jette le doute en une prison d’espace où le temps est compté. Elle avance à la vitesse des flèches de curare. Les « films » de l’auteur sont écrits en jets spontanés (mais travaillés) noir et blanc avec ça et là une coloration moins Nathalie Kalmus que  nuit américaine. Ils tournent autour de spectres qui se trompent d’escalators. Le présent se fend là où toute effraction laisse une trace. A l’angle de Yucca Street aucune insomnie n’est heureuse. L’auteur s’éloigne des creux pharaoniques des films hollywoodiens. Ses « acteurs » ne sont en rien de stars. Les seules comtesses aux pieds nus ressemblent à des S.D.F. ou juste un rang un peu au-dessus. L’auteur y ajoute de cyniques mimes de l’amour, des chiens en cage. On devine que la mort et la folie couchent ensemble. Il suffit d’un rien. Nicolas Mauriac le suggère. Mais il n’insiste pas. D’où la poésie de ces voyages au bout d’une nuit qui ne connaîtra pas de jour.

 

Jean-Paul Gavard-Perret


Nicolas Mauriac, "Television Boulevard", Derrière la salle de bains, Rouen, 10 €.

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