Montand par Montand, "Ce que j'ai dit", confidences et entretiens

C’était le Montand


Carole Amiel (Mme veuve Montand) n’en finit plus de publier des livres sur le grand Yves. Après Montand tout simplement (Nil, 1997) et Lettres à Montand (Michel Lafon, 2006) voici Montand par Montand. À ce rythme-là, on peut craindre un prochain Les Recettes de Montand, suivi de Notes de blanchisseries de Montand puis, bien entendu, un inévitables Perdre Montand. Mais, soyons sérieux, Carole Amiel souhaite maintenir la flamme de son ex-époux et elle en a parfaitement le droit. C’est le propre des veuves et des héritiers (mais aussi des biographes !) de vivre dans les replis des rideaux de la célébrité des disparus.


Ici, l’exercice consiste à réunir quarante interviews données par Montand au cours de sa riche carrière, réparties entre 1946 et 1989. L’idée n’est pas neuve. Elle servit notamment à un Coluche par Coluche (Le cherche midi, 2004). Mais elle a été adaptée en ce sens que (à quelques exceptions près) ne restent que les réponses de Montand et non les questions des journalistes.


Quelques précisions toutefois. Ne pas confondre ce Montand par Montand avec Montand raconte Montand (Seuil, 2001) qui contenait également des interviews mais uniquement celles données par Yves à ses biographes Hervé Hamon et Patrick Rotman. De plus, un ouvrage, hélas ancien, de Joëlle Monserrat, sobrement titré Yves Montand (Pac, 1983), contenait déjà bon nombre d’interviews du susdit (dont certaines se retrouvent dans l’opus qui nous occupe). Fin de la parenthèse historico-littéraire.


Ici quarante entretiens. J’aurais aimé savoir quels critères ont présidé à leur sélection (la préface ne nous apprend rien). Car, contrairement à ses confrères Gabin, Belmondo et Ventura, Montand a accordé des interviews à tour de bras. Mes archives personnelles contiennent de quoi faire trois livres comme celui-ci. Il y avait donc pléthore de choix. Pour deviner les motivations, il convient de lire l’ouvrage (cela va de soi) mais parfois entre les lignes (ce qui est moins simple).


Il ressort que Montand y aborde trois sujets par ordre d’importance : la politique, la chanson et le cinéma. La première se goinfre la part du lion et semble justifier à elle seule le livre. D’ailleurs, dans sa préface, Carole Amiel admet : "Ce recueil des paroles de Montand revêt aussi une parole historique puisqu’il couvre une grande partie de l’histoire du XXe siècle en France. Il nous transmet le témoignage d’un homme pleinement inscrit dans la vie et l’histoire d’un pays qui devint le sien à part entière, et dans celles d’un monde en mouvement et en mutation permanente."


C’est bel et bien le Montand témoin de son temps qui est mis en avant. Quasiment l’homme politique. Au fil des pages, on sent bien que sa pensée – d’abord confuse pour ne pas dire brouillonne – s’affine jusqu’à aboutir à des propos pertinents et percutants. Le politicien Montand ne s’est pas fait en jour mais auprès de ses rencontres - dont Simone qui est un peu tenue à l’écart dans ces pages (je dis cela parce que je commis en un temps lointain une biographie de la Signoret).


Malheureusement (pour moi), je ne m’intéresse que très peu à la politique. Et j’estime que certains passages auraient mérité des explications de textes, car noms et événements risquent d’être perdus dans les limbes de l’oubli du citoyen lambda. Pierre Goldman ça vous dit quelque chose ?


En tant que "spécialiste du cinéma francophone" (titre décerné très récemment par une radio nationale !), j’aurais préféré que la partie septième art soit mieux mise en avant (pourquoi aucune interview issue de Première ou de Studio ?). Certes, Montand y parle de plusieurs de ses films (surtout La Folie des grandeurs et Z) mais pas un mot sur Jean-Pierre Melville, sur Le Sauvage ni sur Le choix des armes, entre beaucoup d’autres. Pratiquement rien sur ses partenaires à l’écran.


Et puisque j’en suis à parler cinéma, je me permets de signaler que Claude Lelouch n’a pas eu besoin de Vivre pour vivre pour être "consacré", il sortait d’Un homme et une femme, Oscar du meilleur film étranger et succès mondial…


Au final, ce recueil d’interviews permet de retrouver Montand, presque de l’écouter parler. Une vraie et forte personnalité qui a marqué son époque. N’oublions jamais que ses récitals réunissaient des milliers de personnes et que certains de ses films dépassèrent les cinq millions d’entrées en France !


Yves était toujours à fond les manettes dans ses réponses. Une envie de convaincre parfois agaçante. Par contrecoup, manque un élément clef : son humour. Je suis persuadé qu’il en avait mais on n’en trouve nulle trace dans ces 224 pages. Regrettable. À quand Les meilleures blagues d’Yves Montand ?




Philippe Durant


MONTAND PAR MONTAND

Confidences et entretiens présents par Carole Amiel

Nouveau Monde – 224 pages – 19,90 € - Octobre 2016


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