Composé de quatre textes excellents, ce recueil porte pour titre celui du plus remarquable d'entre eux, de tout premier ordre, dans lequel c'est par le sésame d'innocentes recettes de cuisine que la narratrice - qui d'autre que Marie Rouanet elle-même ? - réussira à passer de l'ambiance et des effluves - odorantes ou pas - d'une épicerie à l'ancienne à celles - saint des saints - de son arrière-boutique ; c'est-à-dire à se faufiler au fil du récit dans l'histoire et l'intime des trois personnages principaux pour mieux nous les décrire et nous les faire connaître à notre tour au plus près. Eux et toute leur charge affective, psychologique, poétique aussi, leurs manques majeurs, désirs de tout poil, phantasmes y compris, les rapports qu'ainsi ils entretiennent entre eux et avec le monde dans le quotidien, etc. Bref, tout ce qui fait l'âme humaine quand, en marge de la vie dite la plus saine et la plus normale qui soit au monde, le rideau se lève un peu, qu'elle livre - alors depuis ses arcanes les plus secrets - une image moins convenue et officielle d'elle-même et de son entourage en s'exprimant plus franchement dans son jus.
Ajustant, elle, sa plume stylée à un don d'observation inné et à un flair infaillible, l'écrivain Marie Rouanet avance non pas prudemment en ces pages, mais toujours comme à bonne distance et juste allure, ce qui lui donne le temps et la grâce d'écriture d'un récit minutieux, circonstancié, suggestif - si j'ose écrire, aux petits oignons, n'en perdant pas une ! Comme il se doit pour planter le décor, nous avons tout de suite droit à l'évocation précise et nostalgique de cette épicerie comme il y en eu tant partout mais aujourd'hui d'un siècle autre, révolu, à l'approche de sa patronne et de quelques-unes de ses pratiques, surtout des femmes, bien entendu. C'est tous les sens en éveil que l'auteur-narratrice parviendra, petit à petit, à force d'écoute attentive, de fine psychologie et aussi de ruses, à pouvoir aller "fouiner" au-delà, dans la bien nommée arrière-boutique et y faire, tel un Hercule Poirot, des découvertes très significatives !
Le jeu théâtral est très présent en chacun et chacune évoluant sur les deux scènes adjacentes et complémentaires reliées par trois marches d'escalier : l'épicerie et ses coulisses sont les deux plateaux d'une même balance où s'équilibre le récit, cependant qu'en douce tout n'est pas dit, flotte dans l'air, nous laissant deviner.
Maintenant, qu'ajouter de plus ? Eh bien l'amical conseil de vite acheter ce livre pour vous en régaler !
L'ouvrage (92 pages) est à commander au prix de 12 euros franco de port à :
Les-editions-du-jais 25, Cours Mirabeau, 11100 Narbonne /06 67 23 58 99 /jacques.ibanes@orange.fr
André Lombard
PS : la vignette de couverture est composée du visage de l'un des personnages peints par Serge Fiorio en 1935, dans l'une de ses toiles parmi les plus mystérieuses, et la plus grande aussi qu'il ait peinte : l'accouchement en pleine forêt de Clara, l'aveugle du Chant du monde. Censé être ici celui d'Armande l'épicière, je trouve - curieusement - à ce visage quelque air de famille avec celui de l'auteur elle-même : "pointus" tous les deux !
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